L'ex-président burundais Sylvestre Ntibantunganya pour un référendum pacifique
Politique

Deutsche Welle, 17.05.2018

Pour celui qui a dirigé le Burundi entre 1994 et 1996 et qui a vécu la période des guerres civiles, un mandat de cinq ans aurait suffi. Sylvestre Ntibantunganya plaide pourtant pour un référendum d'expression pacifique.

"Ego" ou "Oya", oui ou non au référendum. Ce jeudi (17.05.) est jour de vote pour près de 5 millions d'électeurs au Burundi. Les bureaux ont ouvert à 6H, heure locale, et le vote est prévu pour durer 10 heures de temps. Le référendum est capital pour l'avenir du pays, puisque les électeurs sont appelés à se prononcer sur un projet de réforme constitutionnelle. Sur Twitter, le responsable de la communication présidentielle Willy Nyamitwe, dont le camp est favorable au "oui" a déjà posté des photos des files d'attente à Bujumbura. Mais un cadre du parti raconte dans l'anonymat à l'Agence France Presse que les membres du parti présidentiel (CNDD-FDD) ont reçu pour consigne de se présenter très tôt aux bureaux de vote.

Un texte très critiqué

Parmi les principaux points du texte soumis au référendum : la prolongation de la durée du mandat présidentiel. Celui-ci passe de cinq à sept ans et est renouvelable une fois. Il est aussi prévu un poste de vice-président et de Premier ministre. D'autres points suscitent particulièrement les inquiétudes des défenseurs des droits de l'homme. La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) dénonce par exemple l'impossibilité d'extrader un citoyen burundais qui a commis des crimes graves.

Campagne sous pression

Enfin, l'idée que le président Pierre Nkurunziza pourrait s'offrir en 2020 quatorze nouvelles années au pouvoir suscite des inquiétudes quant au respect des accords d'Arusha qui ont sorti le Burundi d'une série de guerres civiles. La campagne a en plus été marquée par des pressions très fortes, des arrestations et même des meurtres. 

Des mandats de trop ?

Pour l'ancien président burundais Sylvestre Ntibantunganya (1994 à 1996),il faut "que le vote se fasse dans le calme". Pour lui, un mandat de 5 ans renouvelable une fois était suffisant pour le Burundi. "Cela suffit amplement", estime-t-il. "C'est un principe de base", insiste-t-il. 

Vous pouvez lire l'intégralité de l'interview ci-dessous !

Concernant les inquiétudes des défenseurs des droits de l'homme, Sylvestre Ntibantunganya estime qu'il faut "doter le Burundi d'un pouvoir judiciaire indépendant". Sans s'avancer, il estime que "le processus est en cours. Il y a toujours des adaptations qui se font, on est toujours en train d'améliorer les choses". 

Le projet de révision a été condamné par la communauté internationale, dont l'Union européenne, premier donateur de ce pays (un des plus pauvres au monde), les États-Unis et l'Union africaine.

 Interview avec l'ancien président du Burundi Sylvestre Ntibantunganya

DW : Bonjour Monsieur Ntibantunganya, aujourd'hui les Burundais votent dans le cadre d'un référendum constitutionnel. Quel message voulez-vous adresser à vos compatriotes ?

Sylvestre Ntibantunganya : Mon message est très clair. Que les Burundais puissent s’exprimer, le plus librement possible, dans la sérénité, dans la sécurité, garanties à tout le monde.

DW : Vous avez dirigé le pays entre 1994 et 1996. Le mandat présidentiel, dans le projet actuel, passerait de 5 à 7 ans. Est-ce que c’est une bonne chose selon-vous ? 

Sylvestre Ntibantunganya : Je pense, et je l’ai toujours dit, qu’un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois, suffisait amplement et dès que cela vient d’un consensus obtenu à travers un dialogue entre les gens. Moi je suis partisan de la limitation des mandats. 5 ans, 5 ans. 

DW : Ce qui suscite beaucoup d’inquiétudes, en tous cas dans le cas actuel, vous le savez bien, c’est la possibilité qui pourrait être offerte au président actuel Pierre Nkurunziza, d’obtenir 14 nouvelles années au pouvoir alors que ses opposants lui refusaient même les 5 années qu’il est en train de boucler actuellement. Quelle est votre position dans ce débat ? 

Sylvestre Ntibantunganya : Non, je ne voudrais pas faire de commentaire sur cela avant la fin du référendum. Mais je vous ai exprimé mon principe de base, que j’ai toujours exprimé depuis longtemps : je suis partisan de la limitation des mandats. 

DW : Et un point qui inquiète les défenseurs des droits de l’homme, c’est l’impossibilité d’extrader un citoyen burundais pour crimes graves. Est-ce un message à la cour pénale internationale qui a ouvert une enquête contre peut-être des gens du régime qui pourraient être amenés devant la juridiction internationale ? 

Sylvestre Ntibantunganya : Vous savez, les juridictions internationales sont saisies quand, au niveau national, il y a insuffisance, il y a incompétence, et il y a manque de volonté des juridictions nationales. Moi je pense que, ce que nous devons viser toujours, parce qu’il faut toujours avoir des ambitions, c'est d'effectivement doter notre pays d’un pouvoir judiciaire suffisamment indépendant, compétent, et doté de tous les moyens nécessaires, pour pouvoir justement faire face à tous les problèmes qui se posent. 

DW : Mais est-ce que ce projet de nouvelle constitution apporte une réponse à votre souhait, celui que vous êtes en train d'exprimer ?

Sylvestre Ntibantunganya : Vous savez, quand on est en train de bâtir un pays, c'est tout un processus. Moi j'ai commencé la lutte pour la démocratie dans ce pays, très jeune. Je crois que j'avais à peine 23 ans et c'est tout un processus qu'on doit continuer. Ce qu'il faut savoir, c'est plutôt de savoir où l'on veut aller, où l'on doit arriver. Même dans les démocraties avancées, aux Etats-Unis, en France, en Allemagne chez vous, il y a toujours des adaptations qui sont faites sans que personne ne dise que la démocratie à un certain moment, a atteint un summum où on dit : on s'arrête là, c'est fini. On est toujours en train de construire, en train d'améliorer.