Référendum constitutionnel contesté au Burundi
Politique

Vatican News, 17 mai 2018

Les Burundais votent jeudi 17 mai pour une nouvelle Constitution. Le scrutin s'annonce comme une simple formalité pour Pierre Nkurunziza. L'objectif du président burundais est de réorganiser à son avantage la Loi fondamentale du pays.

Remanier la constitution pour se maintenir au pouvoir est une pratique courante parmi les dirigeants africains de la région des Grands lacs. Après Paul Kagame au Rwanda ou Yoweri Museveni en Ouganda, le président burundais Pierre Nkurunziza souhaite réorganiser à son avantage la loi fondamentale du pays. Un référendum constitutionnel est organisé ce jeudi 17 mai.

Le scrutin s'annonce comme une simple formalité pour Pierre Nkurunziza. Le projet, officiellement dévoilé il y a une semaine, lui permettra de se faire élire aux prochaines élections en 2020. Mais difficile de savoir combien de temps cet ancien chef rebelle de 54 ans pourra ainsi rester à la magistrature suprême. De grandes zones d'ombre entourent le texte.

C'est ce que nous explique Emmanuel Klimis, il est chercheur en science politique à l’université Saint-Louis de Bruxelles, spécialisé sur le Burundi : Cliquez-ici

Quelque 4,8 millions d'électeurs, soit environ 40% de la population, voteront pour le «oui» ou le «non». Peu de voix devraient cependant manquer à l'appel, car une peine d'«un à trois ans de prison» est prévue pour quiconque appellerait à l'abstention.

Le 26 avril, Germain Rukuki, un défenseur des droits humains, a été condamné à 32 ans de prison pour avoir participé aux manifestations contre le troisième mandat présidentiel. Pour accentuer son contrôle, le régime a aussi multiplié les mesures de rétorsion à l'égard des médias, y compris internationaux. Le 4 mai, les radios britannique BBC et américaine VOA ont ainsi été interdites de diffusion pendant six mois.

Un «référendum constitutionnel à marche forcée»

Les évêques du pays ont dénoncé un climat de «peur». Ils jugent que «le moment n'était pas opportun» pour une telle modification de la Constitution, craignant qu'elle n’exacerbe les rancœurs.  Le pays vit encore avec le spectre de la guerre civile, qui a fait 300 000 morts entre 1993 et 2006. Et radicaliser les positions des uns et des autres rendra encore plus difficile un retour au dialogue que la Communauté des États d'Afrique de l'Est tente péniblement de favoriser depuis des mois.

La FIDH a pointé dans un rapport publié mardi 15 mai «une campagne de terreur pour contraindre les Burundais(es) à voter oui» à ce référendum, avec des meurtres, passages à tabac ou arrestations arbitraires d'opposants présumés ; des exactions commises par les bras armés du président, le Service national de renseignement (SNR), et les Imbonerakure, la ligue de jeunesse du CNDD-FDD, le parti au pouvoir. Pourtant, tout va pour le mieux si l’on en croit les déclarations des membres du gouvernement.

Le spectre de la guerre

En poste depuis 2005, Pierre Nkurunziza avait déjà réussi à se faire réélire en 2015, pour un troisième mandat, jugé contraire à la constitution burundaise et aux Accords d’Arusha. Signé en 2000, cet accord visait à assurer l'équilibre du pouvoir entre les deux principales ethnies, Hutu, majoritaire, et Tutsi, et stipulait notamment qu'un président ne pouvait pas se maintenir plus de 10 ans au pouvoir. 

Joris Bolomey, avec agences – Cité du Vatican