Révélations accablantes de l’ancien ministre Jean Bigirimana sur l’UPD et Radjabu
Politique

@rib News, 30/04/2010

Le divorce semble bel et bien consommé entre Jean Bigirimana et Hussein RadjabuDans une lettre manuscrite, datée du 25 avril 2010 et rédigée en Kirundi (la langue nationale du Burundi) du fond de sa cellule à Mpimba, la prison centrale de Bujumbura, Jean Bigirimana - ancien ministre burundais des Transports, Postes et Télécommunications dans le 1er Gouvernement Nkurunziza – jette le pavé dans la marre du parti UPD-Zigamibanga, en dévoilant ce que trame Hussein Radjabu & Cie.

Dans cette missive adressée à son épouse et ses enfants résidant en Belgique, dont ARIB.INFO s’est procuré une copie que nous publions en intégralité, Jean Bigirimana tire à boulets rouges sur les dirigeants actuels du parti UPD, les traitant d’être des « extrémistes et fondamentalistes musulmans » sous la coupe de Hussein Radjabu - l’ancien homme fort du pays et ancien président du parti au pouvoir Cndd-Fdd, tombé en disgrâce et derrière les barreaux depuis avril 2007 - et qualifie ce dernier de véritable "manipulateur".

On rappelle que les fidèles d’El hadj Radjabu, qui s’étaient inscrits en faux contre le fameux congrès du CNDD-FDD de Ngozi en février 2007, ayant sonné la fin du règne de leur mentor sur le parti présidentiel et le pays, ont eu depuis maille à partir avec le pouvoir Nkurunziza. Ils perdront ainsi certains leurs portefeuilles ministériels, leurs sièges d’élus, leurs emplois, et d’autres même leur liberté. Cité parmi les plus fidèles d’Hussein Radjabu, Jean Bigirimana finira par le rejoindre à Mpimba en décembre 2009.

Dans sa lettre, Jean Bigirimana raconte aux siens comment lui et ses compagnons, tombés en disgrâce en même temps qu’Hussein Radjabu, ont dès mars 2007 intégré et restructuré le parti UPD-Zigamibanga, pour en faire un parti digne de ce nom ("Bukebukuke umugambwe UPD wagiye urahinduka, ntiwaba ucitwa akagambwe").

Par la suite, déplore-t-il dans son écrit, en 2008 il y a eu au sein de ce parti des groupuscules s’appuyant sur l’Islam ("muri 2008 haciye haduka uturwi twishimikije kuri Islam"). Jean Bigirimana dit avoir combattu ces divisions et que ce fut le début de ses déboires avec les dirigeants actuels de l’UPD. Il cite des noms et accuse entre autres Feruzi Mohamed et Barampama Marine, d’avoir tout fait pour l’écarter du parti et qu’en réalité ils possèdent un agenda caché.

"[Feruzi Mohamed] yabandanije abwira abanyamugambwe, cane cane aba islam ko bokora ibishoboka vyose kugira mve mu mugambwe" ("[Feruzi Mohamed] a continué de dire aux militants, surtout aux musulmans, de tout faire pour me chasser du parti").

"[Barampama Marine] Yigisha ko umugambwe UPD ari uwa aba islam, mugabo ko bategerezwa kwiyegereza amakristu kugira batsinde amatora" ("[Barampama Marine] Elle enseigne que l’UPD est un parti des musulmans, mais qu’ils doivent se rapprocher des Chrétiens juste pour pouvoir gagner les élections")

"Aha rero bavuga ko ivyabaye muri CNDD-FDD muri 2007 vyari bifise intumbero yogukumira aba islam, none ko muri UPD, bategerezwa kwipanga mukwigizayo hakiri kare abakristu, na cane cane incabwenge" ("Ils disent que ce qui s’est passé au sein du CNDD-FDD en 2007 avait pour objectif d’écarter les musulmans, alors au sein de l’UPD ils doivent être vigilants en écartant le plus tôt les chrétiens et surtout les intellectuels [intelligents]")

"Inkuru nk’izo… barazishize mu ngiro kuko abakristu barakumiwe mu nzego z’umugambwe" ("Ce genre de discours … a été mis en pratique, puisque les chrétiens ont été écartés des organes dirigeants du parti").

Dans sa lettre, Jean Bigirimana confirme bien que le parti UPD-Zigamibanga est sous les ordres d’un seul homme ("Jewe rero naramaze gutahura ko umugambwe UPD ugendera ku vyiyumviro n’amategeko y’umuntu umwe rudende") : Hussein Radjabu ! Et Jean Bigirimana de raconter à sa famille les tracasseries dont il fait l’objet à Mpimba de la part de son ancien maître qui, véritable "manipulateur", règne en roitelet sur une cour de partisans (parmi les prisonniers et gardiens) au sein même de la prison centrale de Bujumbura, tout en téléguidant ce qui se passe à l’extérieur au sein de l’UPD. L’ancien ministre dit craindre pour sa vie et affirme même que son élimination est déjà programmée.

La lettre de Jean Bigirimana pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponse sur l’organisation de ce parti et surtout sur sa réelle motivation. En effet, selon plusieurs observateurs, juste avant son incarcération Jean Bigirimana était considéré comme le vrai leader "encore en liberté" de l’UPD-Zigamibanga (rya Radjabu) et se profilait déjà comme le candidat "naturel" de ce parti à la prochaine présidentielle.

Aurait-il tenté de faire de l’ombre à son mentor qui, fort de ces nombreuses relations réelles ou supposées dans l’appareil étatique, aurait fini par le faire coffrer pour mieux le dompter ?. « Igihe naza aha mu Mpimba, hari abantu bo muri UPD bagize ngo "mission réussie" » (Quand j’ai été emprisonné ici à Mpimba, il y a des gens à l’UPD qui se sont réjouis en disant " mission réussie"), conclut Jean Bigirimana dans sa lettre, en promettant à sa famille plus de détails pour les prochains jours.

Mais la "fuite" de cette lettre vers l’extérieur, en déhors du cercle familial restreint, laisse aussi craindre une "manipulation" (une de plus !) des services secrets burundais, d’autant que des bruits circulent déjà sur une possible "libération imminente" de Jean Bigirimana.

La lettre de Jean Bigirimana est-ce un réel cri de détresse d’un père à sa famille, ou tout simplement le prix payé par un détenu comme gage pour recouvrer sa liberté ? L’avenir nous le dira ! Ce qui est sûr, dans un cas comme dans l’autre, c’est qu’aujourd’hui Jean Bigirimana est un homme aux abois !

Lire l’intégralité de cette lettre (en Kirundi)