Bujumbura interpelle l’UA sur "son premier devoir" de défendre ses membres
Diplomatie

PANA, 26 mai 2018

Bujumbura, Burundi - Le gouvernement burundais a interpellé vivement, vendredi, dans une déclaration officielle, l’Union africaine (UA) sur "son premier devoir de défendre les intérêts des Etats membres" et non "ceux des puissances néocolonialistes", en réaction aux diverses critiques sur la tenue "non concertée" du référendum constitutionnel du 17 mai ayant recueilli plus de 73% de "Oui" et moins de 20% de "Non" pour un taux de participation de 96%.

La déclaration cible le président de la Commission de l’UA, Mahamatt Faki, pour une correspondance alertant le Médiateur principal de la sous-région dans le dialogue inter-burundais, Yoweri Museveni.

La correspondance pressait le Médiateur et actuel chef de l’Etat ougandais d’user de ses prérogatives pour stopper des réformes constitutionnelles de nature à compromettre les acquis de l’Accord inter-burundais d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation, au sortir de plus d’une décennie de guerre civile.

Dans sa réplique, le gouvernement burundais renvoie à « plus d’une dizaine de pays africains » ayant opéré des réformes constitutionnelles similaires depuis 2015, « sans que l’UA n’affiche aucune protestation comme elle l’a fait pour le Burundi ».

Les exemples les plus récents que cite la déclaration sont ceux du Rwanda « dont le président Paul Kagame est actuellement le Président en exercice de l’UA» et le Tchad « dont l’actuel président de la Commission de l’UA, Faki Mahammat, est ressortissant ».

« Faut-il alors en déduire que la position de M. Faki sur le Burundi serait une façon de désavouer le référendum organisé dans son propre pays?», s’interroge la déclaration.

Le gouvernement burundais rappelle à l’UA que son premier devoir est de défendre et de protéger les intérêts de ses Etats membres « et non ceux de leurs anciens colonisateurs ».

Au niveau local, la Coalition des indépendants « Amizero y’Abarudi » (Espoir des Burundais, opposition) a saisi, jeudi, la Cour constitutionnelle de « fraudes électorales et d’irrégularités» qui doivent donner lieu à l’invalidation des résultats du référendum et à la reprise du scrutin.

Nombre d’observateurs interprètent les réformes politiques en cours comme une volonté de l’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, de chercher à briguer deux septennats, à partir de 2020, année de nouvelles élections générales et de conserver le pouvoir jusqu’en 2034 à la faveur de la nouvelle Constitution moins limitative de mandats que celle de 2005 qui n’en prévoyait que deux d’affilée.

L'Envoyé spécial des Nations unies au Burundi, Michel Kafando, a insisté, jeudi, devant le Conseil de sécurité, sur l’impérieuse nécessité, pour la classe politique burundaise, à se résoudre enfin au dialogue sincère et inclusif comme «seul moyen de mettre un terme à la crise » que traverse leur pays depuis les élections controversées et émaillées de violences de 2015.

Prenant néanmoins acte que « maintenant que le référendum pour une réforme de la Constitution est passé », le diplomate burkinabè a dit attendre « un signal fort » des autorités burundaises en faveur d'une relance du dialogue inter-burundais.

Dans un communiqué, la France a également « pris acte » des résultats du référendum, tout en se disant « très préoccupée devant l'impasse politique" au Burundi où il existe « un risque que la situation ne se dégrade".

D’autres grands pays intéressés, comme les Etats-unis d’Amérique et la Belgique, ancienne puissance tutrice du Burundi, ont également émis des critiques envers un référendum qui manquait de « transparence » et tenu sur fond d’intimidations envers les membres de l’opposition.

La Russie et la Chine plaident plutôt « pour le respect de la souveraineté nationale » du Burundi, leur protégé de toujours au Conseil de sécurité des Nations unies.