Un prêtre burundais refuse les sacrements aux Imbonerakure
Société

Deutsche Welle, 29.05.2018

L'Abbé Eugène Nimenya, curé de la paroisse de Minago, dans le sud, refuse le laisser communier les jeunes du CNDD-FDD au pouvoir tant que les partisans du "non" au référendum sont en prison.

Selon le site en ligne Ikiriho, l’Abbé Eugène Nimenya, curé de la paroisse de Minago, près de Bururi dans le sud, s'en serait pris aux Imbonerakure, les jeunes du CNDD-FDD, au pouvoir, au cours de la messe de dimanche.

L’abbé aurait annoncé, au cours de la messe dominicale du dimanche 27 mai 2018, sa décision "de ne plus donner les sacrements aux Imbonerakure aussi longtemps que ceux qui ont appelé à voter "non"pendant le référendum constitutionnel du 17 mai dernier sont en prison".

Réaction de l’Abbé Noël Nkurunziza, curé de la paroisse Rwarangabo, près de Ngozi dans le nord, la province natale du président burundais :

"Ça n’engage que lui, parce que ce n’est pas une déclaration de l’évêque du diocèse ou alors de la conférence épiscopale. S’ils ont fait des exactions, est-ce que ce prêtre sait qu’ils ne se sont pas confessés ? Comment est-ce qu’il le sait ?" 

L’Abbé Eugène Nimenya aurait également déclaré que la moitié des offrandes de messe qu’il célèbre serait versée aux détenus politiques. Avant de conclure : "N’ayez pas peur du CNDD-FDD, il passera comme sont passés l’UPRONA et le parti Sahwanya-Frodebu, aujourd’hui ombres d’eux-mêmes."

Selon un membre du bureau politique du parti au pouvoir qui a souhaité conserver l'anonymat "il y a aussi des prélats qui jouent ce jeu pour chercher à trouver un moyen d'obtenir l'exil au Canada ou en Europe. Ils préparent leur terrain et s'en vont après. Il y a d'autres prélats qui peuvent dire le contraire de ce qu'il dit".

L’Église assimilée à l’opposition

Depuis l'éclatement de la crise politique au Burundi en 2015, l’Église catholique est constamment accusée de parti pris par le pouvoir de Bujumbura.

"Le climat actuel au Burundi fait que toute personne qui s'exprime contre le gouvernement est de fait considérée comme un opposant", regrette Brunde Mercier, directrice du Réseau européen pour l'Afrique centrale (EurAc).

"C'est une décision très courageuse de sa part. (NDLR, l’Abbé Eugène Nimenya) Effectivement, on peut avoir des craintes concernant sa sécurité future. Je pense que l'Eglise a un rôle à jouer par rapport à la cohésion sociale, à la réconciliation, à la paix dans la mesure où elle le peut et le veut", conclut Brune Mercier.

Joint au téléphone, le recteur de l’Université de Ngozi ne partage pas cette opinion sur le rôle que doit jouer l’Église. Selon l’Abbé Apollinaire Bangayimbaga, l’Église catholique doit rester en marge de la politique.

Démentis

L’Abbé Eugène Nimenya n’a pas souhaité commenter ces allégations qui lui sont attribuées par le site internet Ikiriho.bi. Nos tentatives pour faire réagir les responsables officiels de l’Eglise catholique burundaise se sont également soldées par un échec.

Mais un autre prêtre qui a requis l'anonymat s’est dit surpris par l’interprétation et la déformation du message délivré par l’Abbé Eugène Nimenya.