Levée de boucliers à Bujumbura contre l’ingérence supposée de la France
Politique

PANA, 01 juin 2018

Bujumbura, Burundi - Le Conseil national pour l’unité et la réconciliation a joint, vendredi, sa voix à celles d’autres institutions étatiques burundaises, pour condamner "énergiquement" une récente déclaration du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères prenant "acte" des résultats du référendum du 17 mai, tout en déplorant que la campagne ait eu lieu "dans un climat marqué par des intimidations et des menaces, voire des violences, contre l’opposition à la réforme constitutionnelle".

La France conserve une grande influence au Burundi, principalement pour des raisons culturelles liées au partage en commun du français, la langue officielle des Burundais.

L’ambassade de France à Bujumbura était encore sur la sellette pour avoir financé un projet expérimental d’élevage d’ânes au profit d'une Organisation non-gouvernementale locale.

Le geste avait été perçu comme étant une "insulte" envers les Burundais qui ont besoin d’autre chose que ces animaux exotiques réputés "peu intelligents", dans l’imaginaire collectif.

Jeudi, l’Observatoire national pour la prévention du génocide, des crimes de guerres et des crimes contre l’humanité s’était également insurgé contre l’ingérence "intolérable" de la France dans les affaires intérieures du Burundi.

Le gouvernement burundais avait précédemment fustigé "les opinions qui se sont illustrées par leur hostilité envers ce référendum, juste au moment où la campagne battait son plein, en publiant des communiqués alarmistes et dont certains contenaient des prophéties apocalyptiques".

La déclaration officielle mettait en cause, pêle-mêle, le Département d’Etat américain, la Conférence des évêques catholiques du Burundi, l’Union européenne et "surtout" le président de la Commission de l’Union africaine, Mahamatt Faki.

Dans cette levée de boucliers, le Conseil national de l’unité revient à la charge contre une déclaration française soutenant que la réforme constitutionnelle allait marginaliser la minorité tutsie et "ne contribuera pas à résoudre la crise dans laquelle le pays est plongé depuis 2015", année d’élections générales controversées et émailles de violences, dont une tentative de putsch militaire.

"La Constitution introduit des modifications qui vont à l’encontre de l’Accord inter-burundais d’Arusha, en Tanzanie, ayant mis en place un système institutionnalisé de partage du pouvoir entre les composantes communautaires burundaises, en remettant en cause les mécanismes visant à protéger la minorité tutsie", insistait la déclaration.

Pour la France, "la priorité est désormais d’assurer la mise en place d’un dialogue national sans conditions ni exclusive, qui permettra l’expression des aspirations de l’ensemble des composantes de la société burundaise. Ce ne sera possible que si le gouvernement fait des gestes, notamment en permettant à l’opposition, aux médias et à la Société civile de jouer leur rôle sans entrave. Nous l’appelons à agir en ce sens dans un esprit de rassemblement", concluait la déclaration.

La Cour constitutionnelle du Burundi a validé, jeudi, à la virgule près, les résultats provisoires de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui donnent gagnant le Oui sur un score d’un peu plus de 73 pc, contre 19 pc de Non pour un taux de participation de 96 pc.

L’arrêt sans appel de la Cour constitutionnelle devrait être suivi par un décret portant promulgation des résultats désormais définitifs du référendum constitutionnel, selon les procédures légales en vigueur dans le pays.

Des bouleversements institutionnels devraient intervenir à la suite de cette réforme constitutionnelle qui prévoit, entre autres, la création d’un poste nouveau de Premier ministre, chef du gouvernement et la suppression de l’une des deux vices-présidences de la Rpublique dans l’armature du pouvoir burundais.

La réforme prévoit encore le passage d’un quinquennat présidentiel à un septennat, au terme des prochaines élections générales de 2020.

Les quotas ethniques de 60 pc de Hutu majoritaires, 40 pc de Tutsi minoritaires, tels que prévus par l’Accord inter-burundais d’Arusha, seront, par ailleurs, révisés au cours de la prochaine législature, prévoit la nouvelle Constitution de la République du Burundi.