Rwagasore, prince de consensus
Politique

Deutsche Welle, 29.06.2018

Il est l'une des figures les moins connues des indépendances africaines : le Prince Louis Rwagasore a pourtant su mener pacifiquement le Burundi vers l'indépendance avant de mourrir assassiné.

"Un Burundi paisible, heureux et prospère" : c'était le rêve du Prince Louis Rwagasore, passionné d'économie et surtout convaincu que l'indépendance pouvait se conquérir dans la paix. Portrait de celui qui a fait consensus dans un pays en tension. 

Est-ce son sang princier qui a fait sa popularité ?

Il est certain que Louis Rwagasore a grandi avec les privilèges d'un prince : il était le fils aîné de Mwami Mwambutsa Bangicirenge, Roi des Barundi, et a reçu une solide éducation dans l'un des lycées les plus prestigieux du Rwanda – sous tutelle belge, le Ruanda-Urundi ne formait qu'un seul et même pays. Après des études d'administration et d'agronomie à Bruxelles, où il se mêle aux milieux indépendantistes et rencontre des étudiants africains venus des quatre coins du continent, Rwagasore rentre au pays en 1956 et se mue en animal politique – c'est son charisme et ses qualités de stratège qui feront sa popularité.

Comment a-t-il su fédérer les Burundais ?

Louis Rwagasore était un diplomate habile et grand rassembleur. Il a impressionné les Burundais par son esprit d'initiative, d'abord, avec la création de coopératives agricoles qui devaient rendre aux Burundais et aux Burundaises la maîtrise de leurs moyens de production, et mettre fin à la monoculture du café. Par ses relations, ensuite, avec les grandes figures des indépendances africaines – le prince Louis Rwagasore a croisé le Congolais Patrice Lumumba à plusieurs reprises, il a entretenu une correspondance avec l'Égyptien Gamal Abdel Nasser et a nourri son projet politique grâce à son ami Julius Nyerere. Le projet de coopératives a tourné court, mais il aura fait sa célébrité, et il a créé son parti, le parti de l'Union et du Progrès national (UPRONA), dès 1958, avec une base militante très diversifiée.

Quelle est sa place au panthéon des héros des indépendances africaines ?

Au Burundi, il est un héros célébré à chaque fête de l'indépendance, resté symbole d'une transition vers l'indépendance pacifique et d'un Burundi uni. Stades, écoles, bibliothèques, avenues – les hommages au héros national sont partout. À l'issue de la guerre civile burundaise, les signataires de l'accord d'Arusha de 2000 ne manquent d'ailleurs pas d'invoquer son "leadership charismatique", qui a "évité au Burundi de plonger dans des confrontations politiques fondées sur des considérations ethniques" - au moins jusqu'à ce que ne soit proclamée l'indépendance. Sa mort précoce l'a empêché de "se pencher sur les véritables problèmes de la nation : problèmes économiques surtout, problèmes de la terre et de l’émancipation sociale du petit peuple, problèmes de l’enseignement et tant d’autres, auxquels nous cherchons et trouverons des solutions qui nous sont propres", comme il l'avait promis lors de son discours d'accession à la Primature.

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Ce récit fait partie de la série "Racines d'Afrique". Une série lancée début 2018 par la Deutsche Welle, en coopération avec la Fondation Gerda Henkel.