Burundi : Les non-salariés mis à contribution pour financer des élections
Politique

PANA, 06 juillet 2018

Plus de 3 millions de contributeurs potentiels à l’autofinancement des élections au Burundi

Bujumbura, Burundi - Quelque 2.150.000 ménages, 461.091 élèves et 485.000 étudiants en âge de voter sont tenus de participer à l’autofinancement des prochaines élections générales de 2020 pour des montants compris entre 1.000 et 2.000 francs burundais (entre 0,5 et 1 dollar américain) par semestre, à compter de ce mois de juillet et ce jusqu’au 31 décembre 2019, a-t-on appris vendredi de source proche du ministère de l’Intérieur.

L’autofinancement intégral des prochaines élections est une réponse du pouvoir burundais au désengagement des partenaires techniques et financiers traditionnels suite à la grave crise électorale et des droits humains de 2015 dans le pays.

Le chef de l’Etat burundais a déjà offert de ne pas se représenter en 2020 pour un quatrième mandat depuis 2005, ce qui n’a toutefois pas dissipé complètement la méfiance de ceux qui s’étaient opposés, dans la rue, à sa candidature « illégale » en 2015.

Le recouvrement des cotisations auprès des catégories non salariées de la population sera effectué par les administratifs à la base, moyennant un reçu frappé du sceau : « Amatora meza 2020 » (Bonnes élections 2020 », selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Térence Ntahiraja.

Le budget global des élections de 2020 est estimé à 70 milliards de francs burundais, soit la contrevaleur de 39,5 millions de dollars américains.

L’autofinancement du récent référendum constitutionnel a coûté 27,1 milliards de francs burundais (15,5 millions de dollars américains), selon Pierre Claver Ndayicariye, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Le montant a financé le logiciel de gestion des élections, l’élaboration du fichier électoral, la production des documents électoraux (listes électorales et cartes d’électeur), l’organisation du scrutin, les dépenses liées au jour du scrutin ou encore le rapatriement du matériel électoral de l’intérieur du pays vers les hangars de la Ceni à Bujumbura.

Le référendum constitutionnel a triomphé sur un score de 73,25% de « Oui » des 4.768.142 de votants pour un taux de participation de 96,24%, selon l’arrêt de la Cour constitutionnelle du Burundi qui a, en même temps, débouté l’opposition à propos de présumées «irrégularités», finalement «sans fondement».

En prévision des élections générales de 2020, certaines autres catégories socioprofessionnelles de la population cotisent déjà depuis le 1er janvier dernier, en vertu d’une ordonnance conjointe des ministères burundais de l’Intérieur et des Finances.

Les cadres et simples fonctionnaires de l’Etat sont prélevés à la source, proportionnellement au salaire mensuel et devront encore s’acquitter des contributions au niveau de leurs ménages.

Les entrepreneurs, les confessions religieuses, les associations sans but lucratif, les commerçants, les Burundais de la diaspora ainsi que les opérateurs économiques contribuent selon « leur conscience patriotique ».

Début juin dernier, le ministre burundais des Finances, Domitien Ndihokubwayo, a fait le point des prélèvements qui étaient déjà effectués au 1er mai pour un peu plus de 17 milliards de francs burundais (9,6 millions de dollars américains).

Les débuts de l'opération de collecte des fonds électoraux ont été marqués par une fronde dans divers milieux, y compris au sein du Parlement burundais.

A la mi-janvier, 25 députés de l’opposition parlementaire s’étaient fait les porte-parole du peuple, en prenant ouvertement position contre des contributions «forcées» qui violent la Constitution nationale.

La correspondance en voulait pour preuve, l’article 70 de la Constitution qui stipule que: «l’Etat peut proclamer la solidarité de tous devant les charges qui résultent des calamités naturelles et nationales, or les élections ne constituent en aucun cas une calamité naturelle».

La paupérisation de larges couches de la population burundaise est un autre argument qui revient souvent dans les arguments des opposants à l’effort électoral.

Les Nations unies estiment à près de 70% de la population burundaise qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins d’un dollar américain par jour.