Burundi : Tractations sur une «Feuille de route» des élections générales de 2020
Politique

PANA, 05 août 2018

Bujumbura, Burundi - Un nouveau code électoral, une nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI), ainsi qu’une nouvelle loi communale sont les «grandes urgences» qui ont occupé une partie de la classe politique burundaise, vendredi à Kayanza (Nord), dans un atelier centré sur la préparation d’une «Feuille de route» en prélude aux élections générales de 2020, a fait le point samedi, le ministre de l’Intérieur, Pascal Barandagiye, sur les ondes de la radio publique.

Le ministre Barandagiye a assimilé la feuille de route en question à un «code de conduite»  devant guider les différents acteurs politiques (pouvoir et opposition) en vue d’élections apaisées et démocratiques en 2020.

Lors des précédentes élections en 2015, la candidature du président sortant, Pierre Nkurunziza, a divisé et provoqué une grave crise politique et des droits humains dont le pays porte aujourd’hui encore les stigmates.

La méfiance n’est toujours pas retombée entre les protagonistes politiques burundais malgré l’engagement ferme du chef de l’Etat de ne pas se représenter en 2020.

Cette méfiance s’est encore vérifiée à l’atelier de Kayanza auquel seul le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu) s’est présenté en tant que parti de l’opposition reconnu dans l'opinion, ce dont s’est, par ailleurs, félicité le ministre Barandagiye.

 « Depuis que je suis ministre en charge des associations à caractère politique, c’est la première fois que je vois le Frodebu en face, dans une réunion», a-t-il souligné.

Le Frodebu venait à peine de se doter d’une nouvelle direction jugée « plus modérée », à la faveur d’un congrès de ce parti de la majorité ethnique Hutu qui avait déboulonné l’unité pour le progrès national (Uprona, ex-parti unique à dominante tutsi) lors des premières élections pluralistes en 1993.

Le nouveau président du parti, Pierre Claver Nahimana, est en même tant l’actuel directeur général de la «Compagnie de gérance du coton» (Cogerco, étatique).

«On nous a mis devant le fait accompli, car la feuille de route en question avait été préparée longtemps à l’avance pour signature», s’est retourné contre l’atelier, le délégué du Frodebu, Phénias Niyigaba, par ailleurs porte-parole du parti.

"Faux", a rétorqué le ministre Barandagiye, assurant que tous les participants ont eu droit à la parole pour donner leurs contributions, "y compris le représentant du Frodebu".

La Coalition «Amizero y’Abarundi» (Espoir des Burundais, opposition intérieure) et le Conseil national pour la défense de l’accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix, la réconciliation et l’Etat de droit (Cnared, opposition en exil), quant à eux, ont brillé par leur absence à l’atelier de Kayanza.

L’atelier est une nouvelle étape dans la préparation des futures élections générales, après le référendum populaire sur une nouvelle Constitution le 17 mai, puis sa promulgation par décret, intervenue le 7 juin dernier, là aussi sans un large consensus des acteurs politiques burundais.

Le « Oui » au référendum constitutionnel avait recueilli 73,26% des suffrages exprimés, contre 19,34% de « Non » pour un taux de participation de 96,24% des 4.755.215 inscrits.

L’opposition craint surtout que la nouvelle Constitution n’enterre l’accord d’Arusha qui avait stabilisé le pays au bout d’une décennie de guerre civile à caractère ethnique, grâce à un partage plus équitable du pouvoir entre les différentes sensibilités sociopolitiques du pays.

Au Burundi, le suffrage universel direct est en train de prendre le dessus sur les arrangements politiques, tels que prévus par l’accord d’Arusha.

C’est dans ce contexte que depuis 2005, le Conseil national pour la défense de la démocratie/Forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd, ancienne principale rébellion de la guerre civile) domine les différentes institutions du pouvoir burundais issues des urnes.

La nouvelle Constitution fait encore des mécontents chez les «binationaux» qui ne sont plus éligibles aux hautes fonctions étatiques, notamment à la tête de l’exécutif.

L’article 98 de la nouvelle Constitution stipule que le candidat à la fonction de président de la république devra avoir «40 ans révolus» et jouir «uniquement de la nationalité burundaise d’origine».

Les anciens chefs d’Etat burundais perdent aussi le statut automatique de «Sénateur à vie», au terme de la nouvelle Constitution amendant celle de 2005.

On rappelle que les prochaines élections générales sont d’un coût estimatif de plus de 70 milliards de francs burundais (près de 40 millions de dollars américains) attendus des cotisations des différentes catégories socioprofessionnelles.

L’autofinancement « à 100% » par des moyens du bord a été décidé pour contourner les réticences des principaux partenaires techniques et financiers du Burundi à la suite de la crise électorale et des droits humains de 2015.