Trois experts de l’ONU "persona non grata" au Burundi
Diplomatie

PANA, 12 septembre 2018

Trois diplomates sénégalais, camerounais et britannique déclarés « persona non gratta » au Burundi

Bujumbura, Burundi - Les trois experts indépendants des Nations unies, Doudou Diène du Sénégal, Lucy Aouagbor du Cameroun et Françoise Hampsor du Royaume uni sont déclarés « persona non grata sur l’ensemble du territoire national » pour un rapport « diffamatoire et mensonger » sur la situation des droits de l’homme au Burundi, a-t-on appris mercredi, de source diplomatique à Bujumbura.

Nommés en 2016, les trois experts en cause n'avaient jusque-là obtenu aucun visa officiel pour se rendre sur le terrain burundais et se contentaient de contacts à distance avec des victimes supposées des atteintes aux droits humains.

Les membres d’une précédente commission onusienne d’enquête sur le Burundi avaient été également déclarés indésirables, puis menacés de poursuites judiciaires. La Commission était présidée par l’Algérien Fatsah Ouguergouz, secondé par Mme Reine Alapini Gansou du Bénin.

Dans une correspondance, le ministre des Affaires étrangères, Ezéchiel Nibigira, informe les trois experts incriminés que « le Gouvernement burundais a pris connaissance avec déception et regret, du contenu du rapport diffamatoire et mensonger » qu’ils ont publié le 5 septembre dernier au Palais des Nations à Genève (Suisse), le siège central du Haut conseil des Nations unies aux droits de l’homme.

 « Le Burundi ignore les visées et les non dits derrière ledit rapport qui est contraire à la réalité du pays », selon la même source. A cet effet, « je voudrais vous informer que vous êtes déclarés persona non grata sur tout le territoire de la République du Burundi », assène le chef de la diplomatie burundaise.

Le parlement national, réuni mardi en session extraordinaire, a recommandé au Gouvernement de poursuivre en justice les trois experts "pour le préjudice moral" causé par leur rapport qui met directement en cause le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, dans « des appels récurrents à la haine et à la violence ».

La commission soutient avoir conduit « plus de 400 entretiens avec des victimes, des témoins et d’autres sources » basés essentiellement en Belgique, en Ouganda, en République démocratique du Congo, au Rwanda et en Tanzanie, « faute de visa pour se rendre au Burundi ».

Ces pays hébergent le gros des centaines de milliers de réfugiés burundais suite à la violente crise électorale de 2015 dont une tentative de putsch militaire manqué.

Dans son rapport, la commission dit avoir conduit des enquêtes et a constaté la persistance, en 2017 et en 2018, des « violations graves » des droits de l’homme dont certaines sont « constitutives de crimes contre l’humanité ».

Il s'agit, en particulier des "exécutions sommaires, des disparitions forcées, des arrestations et des détentions arbitraires, des tortures et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, des violences sexuelles, ainsi que des violations des libertés publiques telles que les libertés d’expression, d’association, de réunion et de circulation ».

Au sujet des « responsabilités des groupes armés et des partis politiques d’opposition », la commission fait état de l’existence de groupes armés à la frontière du Burundi qui continuent de constituer une menace pour la population civile du pays.

La décision de déclarer « indésirables » les trois experts a coïncidé, mercredi, avec la fin de la visite d’une semaine plutôt calme de l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies au Burundi, Michel Kafando.

Le communiqué final laisse entendre que l’ancien président de la transition au Burkina Faso a eu des entretiens « cordiaux et fructueux » avec différents interlocuteurs, aussi bien de la majorité présidentielle que de l’opposition, sur le règlement de la crise à laquelle le pays fait face depuis bientôt quatre ans.

L’envoyé spécial a encouragé les leaders politiques à s’engager "de bonne foi", dans la recherche d’un consensus sur toutes les questions qui les opposent et à participer à la cinquième session du dialogue inter-burundais depuis le début de la crise en 2015, selon la même source.

Par ailleurs, il a lancé un appel aux membres de la Communauté internationale pour qu’ils continuent d’assister le gouvernement burundais dans ses efforts de développement.

Le pouvoir burundais est sous le coup de sanctions de la Communauté internationale suite à la crise politique et des droits humains dont l'issue reste toujours incertaine.

L’envoyé spécial a quitté Bujumbura mercredi à destination de Dar es-Salaam, en Tanzanie, pour rencontrer l’ancien président tanzanien, Benjamin William M’Kapa, ayant qualité de Facilitateur dans la crise burundaise, sous l’égide de la Communauté est-africaine, conclut le communiqué.