Suspension des ONG au Burundi : le flou persiste
Cooperation

Deutsche Welle, 01.10.2018

Le gouvernement a décidé de suspendre pour trois mois, certaines ONG travaillant au Burundi. Une réunion de conciliation prévue entre le ministre de l’intérieur et les ONG concernées a été repoussée à une date inconnue.

A ce jour, personne ne sait vraiment si toutes les ONG opérant au Burundi sont concernées. Mais selon le secrétaire exécutif du CNS, le Conseil national de sécurité, le général Ntigurirwa, le "redémarrage" des activités des ONG étrangères suspendues serait conditionné à leur respect de la nouvelle loi qui régit les ONG au Burundi.

Cette loi, adoptée en janvier 2017, prévoit notamment un contrôle de leurs finances, des frais administratifs et surtout le respect des quotas ethniques dans le recrutement.

En effet, le gouvernement burundais demande qu’il y ait désormais 60% de Hutu et 40% de Tutsi dans le personnel des ONG étrangères, comme cela se fait déjà dans l'administration publique.

"C'est une décision un peu démagogique, parce qu’il faudrait déjà que ce régime commence à respecter les équilibres au sein des forces de sécurité. Le régime préfère être dans un huis clos total pour faire tout ce qu'il veut. Parce que vous savez, les violations des droits de l'homme, les disparitions continuent jusqu'à nos jours", explique à la DW, l’écrivain, David Gakunzi.

Représailles ?

Depuis la suspension en 2016 de son aide directe au Burundi, l’Union européenne passe par les ONG accréditées dans le pays pour atteindre les populations. Beaucoup d’observateurs voient dans l’attitude du gouvernement, un certain agacement face à cette politique de l’UE. Filip Reyntjens, constitutionnaliste et politologue belge.

"Ça devrait être dans l'intérêt du gouvernement du Burundi d'avoir accès à des financements, même s'ils passent par la coopération indirecte. C'est-à-dire par les ONG. Dans la perception de ceux qui sont au pouvoir, il y a une surreprésentation des Tutsis dans tous les domaines non gouvernementaux, dans le secteur judiciaire. Donc, on essaye d'aller aux pourcentages connus dans d'autres domaines prévus par l'accord Arusha, c'est-à-dire 60-40."

Jointes par la DW, les autorités burundaises ont promis de réagir une fois qu'elles auront présenté à leur opinion publique les mesures d’accompagnement de cette décision très controversée.

En attendant les explications supplémentaires des autorités burundaises, beaucoup de diplomates occidentaux craignent que cette annonce ne pousse les ONG internationales à mettre un terme à leurs activités. Des analystes s’insurgent contre l’instrumentalisation de la fibre ethnique par le régime du président Pierre Nkurunziza.