L'ONU prolonge le mandat de sa commission d'enquête au Burundi
Droits de l'Homme

RFI, 29-09-2018

Une résolution adoptée, vendredi 28 septembre, par les États membres du Conseil des droits de l'homme de l’ONU prolonge le mandat de sa commission d'enquête au Burundi. Et ce contre l'avis de Bujumbura, qui avait menacé de quitter le Conseil des droits de l'homme si jamais le mandat de cette commission devait être renouvelé.

Vingt-trois votes en faveur du renouvellement de la commission d'enquête au Burundi et presque autant d'abstentions. Dix-sept États membres, africains pour la plupart, ont refusé de prendre position sur le renouvellement du mandat. Seuls sept ont voté contre.

Une prolongation qui va « maintenir la documentation des crimes là où il n’y a plus d’organisations » présentes, pour maître Armel Niyongere, membre d'un collectif d'avocat qui assure avoir présenté plus de 1 600 dossiers de tels crimes devant la CPI. « C’est un message de la communauté internationale à l’endroit du gouvernement du Burundi, pour dire que tout ce qu’ils font au Burundi est suivi par la communauté internationale » et que personne ne pourra « échapper aux poursuites lorsqu’il y aura le rétablissement de la responsabilité des crimes commis », se réjouit ce magistrat.

Camouflet pour le Burundi

Le Burundi avait pourtant tenté en début de semaine de convaincre le groupe des États africains de voter contre le renouvellement du mandat de cette commission d'enquête sur les violations des droits de l'homme dans le pays. C’est un échec et un camouflet pour le Burundi, qui ne cachait pas sa colère vendredi après-midi.

Depuis la création de la commission d'enquête il y a deux ans, le pays a toujours refusé de laisser entrer les enquêteurs de l'ONU sur son territoire.

Pour contourner l'obstacle, l'année dernière, avec l'appui du groupe africain et l'accord du Burundi, le Conseil avait décidé d'envoyer trois experts chargés de « travailler en coopération » avec le gouvernement. Mais là encore, Bujumbura a fini par refuser. Les visas des experts ont été révoqués en avril.

HRW se félicite du vote

Selon plusieurs sources, c'est l'échec de cette dernière initiative qui a sapé le soutien des États africains au Burundi. L'organisation Human Rights Watch s'est félicitée de ce vote et a appelé à ce « que justice soit faite pour les milliers de victimes de graves violations des droits humains au Burundi. »

John Fisher : « C’est essentiel que le mandat continue, même si le gouvernement refuse de coopérer. C’est dommage, ça va limiter la capacité de la commission pour entrer dans le pays et investiguer les abus. Mais en même temps, c’est très important qu’elle fasse de son mieux pour identifier les responsables. »

Dans un rapport publié le 5 septembre, la commission affirme que de graves violations des droits de l'homme, dont des crimes contre l'humanité, se sont poursuivies sans relâche au Burundi en 2017 et 2018, commises en majorité par des membres du service national de renseignement, de la police et de l'armée ainsi que des Imbonerakure.

Joint par RFI, l'ambassadeur du Burundi à Genève et et représentant permanent du Burundi à Genève, Tabu Rénovat, a réagi à cette prolongation : « Le Burundi n’a jamais accepté cette commission. C’est-à-dire que toutes ces résolutions portant création aux prolongations du mandat de cette commission est une résolution nulle et non avenue pour le Burundi parce qu’elle a été mise sur pied dans un cadre purement unilatéral. Il doit y avoir absolument consensus. Or le groupe initiateur de la résolution, l’Union européenne, veut absolument imposer sa volonté, ce que le gouvernement n’accepte pas parce que le Burundi est un pays indépendant, c’est un pays souverain. »

L'abstention massive de la part du groupe africain est-elle un camouflet pour Bujumbura ? « L’abstention est une situation qui relève de la souveraineté de chaque Etat. Je pense que la personne qui préfère s’abstenir est dans une situation de neutralité qu’aucune des parties ne peut interpréter en sa faveur », répond l'ambassadeur.

A la tribune des nations-unies, le ministre burundais des affaires étrangères, Ezéchiel Nibigira, a lui dénoncé ce qu’il qualifie de « dérive vers la politisation à outrance des droits humains ». Attaquant le « dysfonctionnement » du conseil des droits de l’Homme et son « contrôle quasi exclusif de par une minorité d’Etats membres », il a affirmé comprendre ceux qui se retirent de cette institution.