Le procureur de la République à Rutana échappe à un assassinat programmé !
Sécurité

@rib News, 13/05/2010

Par JP. Kirumara, Rutana

La guerre est peut-être finie au Burundi, entend-on dire, mais le maillon faible de la gouvernance dans ce pays demeure, en période électorale ou pas, l’insécurité permanente, où des tueurs frappent impunément, souvent de façon diffuse, et parfois au grand jour. Ou plutôt à la faveur de la nuit, comme c’est le cas dans l’affaire qui suit.

Encore aujourd’hui, on peut mourir suite à une simple dispute au bar du coin, comme on peut passer de vie à trépas pour la simple et honnête routine de ses fonctions, surtout quand celles-ci ont trait, de près ou de loin, à l’exercice de rendre justice, dans un pays où l’impunité, la vendetta sauvage, l’arbitraire etc. ne sont pas des choses rares. C’est ce qui a failli arriver dans la nuit du 10 au 11 mai 2010 au Procureur de la République en province de Rutana, M. Charles Bizimana.

Alors que sa famille dormait tranquillement, au moins deux tueurs encore non identifiés se sont présentés nuitamment, vers deux heures et demie du matin, au domicile dudit procureur, avec une intention manifeste de l’éliminer, lui et sa petite famille. Tandis qu’un des malfrats essayait d’attirait vers lui l’attention de l’agent de police assurant la garde de notre homme de lois, le policier réussit à intercepter un message du portable du tueur qui se trouvait devant lui, appelant à passer à l’acte « Tera rero » (traduisez lance alors maintenant) ! Croyant être visé en priorité, c’est en essayant de reculer pour esquiver que l’agent tombe nez à nez avec un complice qui a déjà atteint la façade de la maison où se trouve la chambre à coucher et s’apprête à y lâcher une grenade.

Le coup de feu que tire le policier dans l’obscurité et tout en courant vers le tueur ne l’atteindra pas, ce qui permet aux deux malfaiteurs de prendre la poudre d’escampette sans crier gare. Et fort heureusement, sans réussir à exécuter leur sale besogne. Les détails du véritable déroulement des faits n’a pas de place ici, pour des raisons évidentes liées aux enquêtes en cours dans cette affaire. Mais on ne peut ne pas s’interroger sur certains faits troublants.

Par exemple que le bruit des pas des fuyards était manifestement celui des bottes ! Mais plus singulièrement, cette histoire a-t-elle quelque chose à avoir avec un capitaine gardé au vert le week-end précédent pour des besoins d’enquête par le substitut de la même instance judiciaire de Rutana ? La personne mise en garde à vue est soupçonnée dans une affaire de bagarre ayant entrainé des blessures jusqu’à la fracture du fémur chez la victime, faits qui ont eu lieu durant le week-end dernier.

Mais alors si cela était vrai que les deux affaires aient quelque imbrication l’une dans l’autre, on comprendrait mal pourquoi les tueurs s’en seraient  pris directement au Procureur et non au substitut en question ...  Ou peut-être faudrait-il plutôt tourner les regards inquisiteurs vers les auteurs de nombreuses menaces et autres tentatives d’assassinat dont M. Charles Bizimana avait déjà été l’objet depuis longtemps, mêmement dans l’exercice difficile mais honnête de son métier, puisque les premières menaces ont commencé à le viser alors qu’il jugeait un cas d’un meurtre commis par un agent de l’Etat.

Encore une fois, souffrez que nous mettions sous embargo un certain nombre de détails pourtant disponibles, pour permettre à l’enquête de suivre son cours. Juste un fait : la veille de la tentative d’assassinat, soit le 9 mai, M. Charles Bizimana avait reçu un curieux coup de téléphone qui lui déclarait sans détour qu’il ne lui restait pas beaucoup de jours à vivre. Aussitôt dit aussitôt fait !

En attendant d’en savoir davantage, il est important de déjà crier haut et fort que la vie d’un homme, d’une personne probe, plutôt connue pour sa neutralité et son efficacité dans l’exercice de ses fonctions, est en danger. Celle de sa famille aussi. Un ou deux agents de police assurant sa garde rapprochée et celle de son domicile risquent de ne pas suffire à dissuader les intentions malsaines de ces tueurs, surtout dans un contexte volatil et délétère où tous les regards semblent suspendus au train fou des élections.

Il reste à espérer que l’enquête en cours d’être diligentée mettra rapidement à découvert le réseau (car visiblement c’en est un) de ces bandits qui s’en prennent à d’honnêtes et paisibles citoyens. Elections ou non, la vie continue, surtout celle des hommes et femmes dont le métier est d’empêcher l’arbitraire : l’Etat de droit que nous souhaitons à l’horizon de tous les efforts en cours est à ce prix. Ne dites pas un jour que vous ne saviez point.