Le Major Pierre Buyoya dans le collimateur du parti au pouvoir au Burundi
Politique

PANA, 21 octobre 2018

L’UA et l'ONU accusées d’offrir une tribune « honteuse» à un "Chef de file des torpilleurs de la démocratie " au Burundi

Bujumbura, Burundi  - Le Conseil national pour la défense de la démocratie/Forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd, parti au pouvoir) s’étonne, dans une déclaration rendue publique dimanche, de voir que l’ancien président burundais, le Major Pierre Buyoya (photo), « Chef de file des torpilleurs de la démocratie, connu pour ses coups d’Etat à deux reprises », est considéré comme « une référence » par la Communauté internationale et continue à se voir offrir la tribune, « sans honte, ni crainte, dans les salons de l’Union Africaine (UA) et des Nations unies (ONU) ».

La déclaration est en rapport avec la commémoration du 25ème anniversaire de l’assassinat de l’ancien président burundais, Melchior Ndadaye, suite au coup d’Etat du 21 octobre 1993, orchestré par des militaires présumés obéir aux ordres du Major Buyoya.

Le parti-Etat dit ne pas comprendre comment l’UA et de l’ONU « osent encore conférer au Major Buyoya des fonctions de médiateur pour d’autres pays africains en situation de conflit, au lieu de lui imposer des sanctions, comme si ce qu’il a fait au peuple Burundais était un modèle pour le reste du monde » ?

L’ancien président burundais occupe actuellement le prestigieux poste de « haut-représentant » de l’UA pour le Mali et le Sahel, sans toutefois se priver d'adopter des prises de positions parfois tranchées, notamment contre le troisième quinquennat de l’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, ayant dégénéré en une grave crise politique et des droits humains depuis 2015.

Le Cndd-Fdd dénonce ce comportement « indigne » de la Communauté internationale, « sous l’influence de la Belgique », l’ancienne puissance tutrice du Burundi.

Les cérémonies commémoratives du 25ème anniversaire de l’assassinat de feu le Président Ndadaye auront lieu lundi et non dimanche qui est habituellement un jour de  repos réservé à la messe dans ce pays à majorité chrétienne.

A cette occasion, le Cndd-Fdd « se joint à tous les Citoyens Patriotes du Burundi pour condamner les ennemis de la Nation qui ont concocté et mis en œuvre ce crime odieux qui a plongé le Burundi dans une crise sanglante pendant plus de 10 ans ».

Les Nations unies estiment à au moins 300.000 personnes qui ont péri dans des massacres inter-ethniques ayant suivi le putsch militaire de 1993 et à plus d’un million d’autres citoyens ayant pris le chemin de l’exil à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Le Parti-Etat s’engage à la fin à « lutter sans merci contre l’impunité » et invite le gouvernement à poursuivre tous les auteurs des crimes qui ont endeuillé le Burundi à ce jour, « afin qu’ils soient jugés ».

Le pouvoir burundais a déjà émis une trentaine de mandats d’arrêt internationaux contre des leaders politiques de l’opposition et des activistes des droits humains pour leur rôle supposé dans le mouvement insurrectionnel de 2015 contre le troisième mandat présidentiel jugé « de trop » au regard de la constitution nationale.

D’autres mandats d’arrêt internationaux pèsent sur d’anciens hauts gradés de l’armée burundaise à l’origine d’une tentative de putsch manqué au plus fort de la crise électorale de 2015.

Le mois dernier, un énième rapport onusien déplorait un « climat attentatoire aux droits de l’homme qui continue à être favorisé par des appels récurrents à la haine et à la violence de la part d’autorités, dont le Chef de l’Etat burundais », en même temps président du Conseil des sages du Cndd-Fdd.

Le même rapport trouve « très préoccupant », le « rôle croissant » joué par des membres de la ligue des jeunes du Cndd-Fdd, les « Imbonerakure » (Ceux qui voient de loin), « dans un contexte d’embrigadement de la population destiné à faire taire toute forme d’opposition ».

Le rapport liste des "exécutions sommaires, des disparitions forcées, des arrestations et des détentions arbitraires, des tortures et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, des violences sexuelles, ainsi que des violations des libertés publiques telles que les libertés d’expression, d’association, de réunion et de circulation ».

« Les auteurs de violations opèrent dans un climat général d’impunité favorisé par l’absence d’indépendance de la justice », dénonce la même source.

Les Nations unies et l’Union africaine encouragent les protagonistes de la crise à saisir l’occasion du prochain round de dialogue inter-burundais pour aplanir leurs divergences de vues et mettre fin aux souffrances du peuple burundais.

Au dernier rapport onusien, le nombre de réfugiés de la crise était estimé à 394.778, « ce qui représente 3,7 % de la population totale du pays ».

Le cinquième et dernier round de sortie de crise est en principe prévu avant la fin de ce mois à Arusha, en Tanzanie, sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est.

Le Cndd-Fdd demande « instamment » au gouvernement et à la facilitation est-africaine de « se mettre d'accord sur les personnes qui prendront part à la session de signature de la « Feuille de route menant vers les élections de 2020 ». A cet effet, la 5ème session devrait être la dernière à l’extérieur du pays, du point de vue du parti présidentiel.

Dans cette optique, le parti lance un « appel vibrant » aux politiciens qui sont à l’extérieur du pays de rentrer au bercail pour participer à la mise en application de la feuille de route vers les élections de 2020.

D’un autre côté, le parti au pouvoir saisit l’occasion pour exhorter le gouvernement de continuer à demander aux pays qui hébergent les putschistes de 2015 de les remettre à la justice burundaise pour jugement « afin que les dommages causés aux victimes de ces actes de violences soient réparés ».