« Cinquième et dernier round" du dialogue d’Arusha : Faux départ
Politique

PANA, 26 octobre 2018

Faux départ dans le "cinquième et dernier round" du dialogue inter-burundais sous l’égide de la Communauté est-africaine

Bujumbura, Burundi - L’ancien président tanzanien, reconverti en facilitateur de la Communauté est-africaine, Benjamin William M’Kapa, a ouvert jeudi, le « cinquième et dernier round » du dialogue inter-burundais de paix depuis la grave crise électorale de 2015, en l’absence des représentants du gouvernement burundais, selon les échos de diverses sources à Bujumbura et à Arusha, une ville de la Tanzanie, hôte des pourparlers.

Le facilitateur tanzanien n’en est cependant pas au premier contretemps dans ce laborieux processus, et en trois ans d’efforts, M. M’Kapa n’est toujours pas parvenu à asseoir les protagonistes de la crise burundaise autour d’une même table, se heurtant à de profondes divergences liées essentiellement au contentieux électoral 2015.

L’on signale, par contre, une présence massive des leaders de l’opposition intérieure et extérieure, réunis au sein du Conseil national pour la défense de l’Etat de droit et l’accord d’août 2000, à Arusha, qui avait mis fin à plus d’une décennie de guerre civile et stabilisé le pays jusqu’en 2015.

Le porte-parole du gouvernement burundais, Prospère Ntahorwamiye, a fait état de trois raisons principales à l’origine de cette absence à l’ultime round des pourparlers inter-burundais de paix, initialement prévu du 24 au 29 octobre.

Le mois d’octobre est un « mois de deuil » en la mémoire des héros nationaux de la démocratie, Feu Président Melchior Ndadaye, et de l’indépendance, le Prince Louis Rwagasore, a-t-il expliqué, entre autres raisons qui avaient poussé le Gouvernement à demander le report du cinquième round à une autre date.

D’un autre côté, le gouvernement burundais n’a pas obtenu gain de cause à sa demande d'avoir d’abord la liste des invités aux pourparlers d’Arusha, a indiqué la même source.

Le gouvernement burundais refuse de s’asseoir autour de la même table avec certains de ses adversaires politiques ayant eu un rôle présumé actif à jouer dans le mouvement insurrectionnel contre le troisième quinquennat du président sortant et la tentative de putsch manqué qui a suivi en 2015.

L’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, a déjà déclaré publiquement de ne pas se représenter en 2020, au terme de son troisième quinquennat depuis 2005.

Par ailleurs, l’ordre du jour des pourparlers n’a pas été précisé par la facilitation tanzanienne, selon l’autre grief du gouvernement burundais qui propose, le moment venu, que le 5ème round soit exclusivement réservé à des discussions sur une « Feuille de route » des prochaines élections de 2020.

Du côté de l’opposition, on estime que les discussions doivent s’élargir à d’autres questions importantes, notamment le retour des réfugiés, la levée des mandats internationaux qui pèsent sur certains leaders en exil ou encore la mise en place d’un gouvernement de transition chargé de préparer des élections plus « crédibles, transparentes, équitables et démocratiques » que celles de 2015.

Les principaux partenaires techniques et financiers traditionnels conditionnent la levée des sanctions qui asphyxient le Burundi depuis quatre ans à un accord global de sortie de crise avec l’opposition, ce qui reste pour le moment incertain.

Sur le plan humanitaire, un récent rapport des Nations unies fait savoir que le nombre de réfugiés burundais de la crise est actuellement estimé à 394.778, ce qui représente 3,7% de la population totale du pays.

Par ailleurs, le rapport déplore la persistance d’un climat politique malsain au Burundi, avec « un impact direct sur la jouissance des droits économiques et sociaux, une proportion de plus en plus grande de la population soumise à une pression financière accrue, se retrouvant dans le besoin, principalement en matière de santé, d’alimentation, d’eau, d’hygiène et d’assainissement ».

"De pays en phase de développement, le Burundi est redevenu un pays d’urgence humanitaire où des citoyens sont parfois privés de leurs droits, comme celui à l’éducation, pour des raisons politiques », pointe encore le rapport onusien qui a valu à ces auteurs d’être déclarés « persona non grata » dans le pays.

Le rapport est l’œuvre d’une commission de trois experts indépendants des Nations unies, présidée par le Sénégalais Doudou Diène, avec comme autres membres, Mme Lucy Asuagbor du Cameroun et Mme Françoise Hampson du Royaume-uni.

Au terme de sa 794ème réunion du 19 septembre 2018, le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA), quant à lui, encourageait « vivement » toutes les parties prenantes burundaises à participer « pleinement » au cinquième cycle du dialogue inter-burun

En outre, le Conseil demandait à la Commission de l’UA d'accompagner le Burundi dans ses efforts «en vue de la tenue d'un dialogue inclusif, du renforcement de la démocratie et du respect des droits de l'homme».

Par ailleurs, le Conseil prenait note de la paix et de la stabilité « relatives » qui règnent au Burundi et réaffirmait, une fois encore, l’attachement de l’UA au «respect scrupuleux de la lettre et de l’esprit de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation d’août 2000, qui constitue la pierre angulaire de la paix, de la sécurité et de la stabilité au Burundi et dont l'UA et les pays de la région sont garants, ainsi que les membres de la Communauté internationale».