Suite et fin tronquées de la médiation est-africaine dans la crise au Burundi
Politique

PANA, 28 octobre 2018

Bujumbura, Burundi - La semaine qui s’achève aura été marquée par l'échec du « cinquième et dernier round » de dialogue inter-burundais, en l'absence de l'incontournable partie gouvernementale sur laquelle misait la médiation est-africaine pour résorber définitivement la crise politique suite aux élections controversées et émaillées de violences de 2015, à en juger par les divers échos à Bujumbura et à Arusha, la ville hôte des pourparlers, dans le nord de la Tanzanie voisine.

Le feuilleton dure depuis plus de trois ans et « les conclusions finales n’engageront que les participants », avisait le porte-parole du gouvernement burundais, Prospère Ntahorwamiye, dès le lendemain de l’ouverture tronquée de l’ultime round par l’ancien président tanzanien, reconverti en facilitateur dans le dialogue inter-burundais de paix.

Le même porte-parole du gouvernement donnait « trois raisons principales » à l’origine de cette absence à l’ultime round des pourparlers qui devait réunir, du 24 au 29 octobre, toutes les parties prenantes à la crise burundaise.

Le mois d’octobre est un « mois de deuil » en la mémoire des héros nationaux de la démocratie, Feu Président Melchior Ndadaye, et de l’indépendance, le Prince Louis Rwagasore, a-t-il expliqué, entre autres raisons qui avaient poussé le gouvernement à demander le report du cinquième round à une autre date.

D’un autre côté, le gouvernement burundais n’a pas obtenu gain de cause à sa demande d'avoir d’abord la liste des invités aux pourparlers d’Arusha, indiquait la même source.

Au fond, le gouvernement burundais refuse de s’asseoir autour de la même table avec certains de ses adversaires politiques ayant eu un rôle présumé actif à jouer dans le mouvement insurrectionnel contre le troisième quinquennat du président sortant et la tentative de putsch manqué qui a suivi en 2015.

C’est «fatigué et déçu » par le "jeu trouble" des acteurs politiques burundais que le vieil homme d’Etat tanzanien (80 ans) a néanmoins ouvert, en début de cette semaine, la session tronquée qui devait être celle de la dernière chance » pour certains analystes qui craignent une flambée de nouvelles violences en cas d’échec consommé d’une solution négociée à la crise burundaise.

La dernière déclaration-choc du facilitateur remontait au début de sa mission, en janvier 2016, quand il traita de « fous » ceux de l’opposition qui remettaient encore en cause la légitimité du chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, au lendemain de sa réélection controversée pour un troisième quinquennat d’affilée.

L’ultime session, sous l’égide de M. M’Kapa, devait prendre fin ce dimanche sur une contre-proposition de « feuille de route » de l’opposition en vue d’élections « apaisées, inclusives, crédibles, démocratiques, équitables et transparentes » en 2020.

La mouvance présidentielle se tenait prête depuis déjà le mois d’août dernier, avec une « feuille de route » réunissant « toutes les conditions et garantie» pour aller vers de nouvelles élections « libres et transparentes » en 2020.

La feuille de route de Kayanza a été paraphée en août dernier à Kayanza, dans le nord du pays, par un peu plus de la moitié des partis partis politiques officiellement reconnus au Burundi, dont le Conseil national pour la défense de la démocratie/Forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd, au pouvoir).

Le pouvoir est actuellement occupé à préparer des projets de textes légaux relatifs au processus électoral de 2020, notamment le code électoral, la loi sur les partis politiques ou encore la loi communale.

En prélude aux mêmes élections de 2020, une nouvelle constitution a été déjà votée par voie référendaire, en mai, puis promulguée par décret présidentiel le mois suivant, là aussi sur fond de grogne de l’opposition pour n’avoir pas été préalablement consultée.

La récente mise en place d'une nouvelle équipe de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a encore braqué l’opposition dont les principaux ténors politiques vivent en exil, sous le coup de mandats d’arrêt internationaux pour leur rôle présumé actif dans le mouvement insurrectionnel contre le troisième quinquennat présidentiel de 2015, jugé contraire à la loi, y compris dans le camp du pouvoir.

Du côté du Conseil national pour la défense de l’accord d’Arusha, sur la paix, la réconciliation et l’Etat de droit (Cnared, principale plateforme de l’opposition intérieure en exil), on réclame invariablement des conditions sécuritaires améliorées, la fin de l’impunité et de toutes les formes de violence, le renforcement de la culture démocratique, l’ouverture de l’espace politique, la liberté de la presse ou encore le rapatriement des réfugiés comme garantie de nouvelles élections plus « libres, démocratiques et paisibles » que celles de 2015.

Un sommet des chefs d’Etat de la sous-région au chevet du Burundi est envisagé pour prendre les décisions qui s’imposent à la suite de ce qui parait déjà aux yeux des observateurs, comme un échec consommé du « cinquième et dernier round » des pourparlers inter-burundais de paix.

La reprise en main du « Dossier Burundi » par l’Union africaine (UA), ou alors les Nations unies, n’est pas à exclure en vue d’une médiation « plus musclée et robuste », comme le réclament certaines voix au sein de la Communauté internationale face à l’enlisement de la facilitation est-africaine.

Les deux organisations restent attentives à l’évolution de la situation au Burundi qui fait craindre un effet contagion sur l’ensemble de la sous-région des Grands Lacs déjà submergée par l’afflux massif des réfugiés burundais.

Le torchon brûle déjà entre le Burundi et le Rwanda, les deux plus proches voisins des Grands Lacs qui s’accusent inlassablement de déstabilisation réciproque par mouvements rebelles et réfugiés interposés.

Au dernier rapport de septembre, les Nations unies faisaient état de quelque 394.778 réfugiés burundais de la crise disséminés dans la sous-région, ce qui représente 3,7% de la population totale du pays.

Par ailleurs, le rapport déplorait la persistance d’un climat politique malsain au Burundi, avec « un impact direct sur la jouissance des droits économiques et sociaux, une proportion de plus en plus grande de la population soumise à une pression financière accrue, se retrouvant dans le besoin, principalement en matière de santé, d’alimentation, d’eau, d’hygiène et d’assainissement ».

"De pays en phase de développement, le Burundi est redevenu un pays d’urgence humanitaire où des citoyens sont parfois privés de leurs droits, comme celui à l’éducation, pour des raisons politiques », pointe encore le rapport onusien qui a valu à ces auteurs d’être déclarés « persona non grata » dans le pays.

Au terme de sa 794ème réunion du 19 septembre 2018, le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA), quant à lui, encourageait « vivement » toutes les parties prenantes burundaises à participer « pleinement » au cinquième cycle du dialogue inter-burundais.

En outre, le Conseil demandait à la Commission de l’UA d'accompagner le Burundi dans ses efforts «en vue de la tenue d'un dialogue inclusif, du renforcement de la démocratie et du respect des droits de l'homme».

Par ailleurs, le Conseil prenait note de la paix et de la stabilité « relatives » qui règnent au Burundi et réaffirmait, une fois encore, l’attachement de l’UA au «respect scrupuleux de la lettre et de l’esprit de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation d’août 2000, qui constitue la pierre angulaire de la paix, de la sécurité et de la stabilité au Burundi et dont l'UA et les pays de la région sont garants, ainsi que les membres de la Communauté internationale».