Coup de chaud sur le lac Tanganyika
Afrique

@rib News, 17/05/10 - Source Sciences et Avenir

La température du lac Tanganyika, en Afrique de l’Est, a atteint un niveau record depuis 1.500 ans. Ce réchauffement pourrait menacer les réserves de poissons du lac, source de nourriture pour des millions de personnes.

Les eaux du plus grand lac du rift africain, qui est aussi l’un des plus profonds du monde, ont atteint 26°C en surface, une température moyenne inégalée depuis 1.500 ans, selon des chercheurs qui ont foré les sédiments du lac Tanganyika. Au cours du 20ème siècle le lac a connu une alternance de périodes plus froides et d’autres plus chaudes mais il n’a jamais connu un changement aussi important, analysent Jessica Tierney, James Russell (University of Arizona), Andrew Cohen (Brown University) et leurs collègues.

Bordé par le Burundi, la République Démocratique du Congo, la Zambie et la Tanzanie, le lac Tanganyika est une source d’eau et de nourriture pour dix millions de personnes vivant dans quatre pays très pauvres. Chaque année plus de 200.000 tonnes de poissons, dont la sardine d’eau douce Limnothrissa miodon, sont pêchées dans le lac. Si l’intensité de la pêche fait baisser les stocks de poissons dans le lac, elle n’est pas la seule responsable, selon Tierney et ses collègues. Le réchauffement y participe.

Moins de brassage des eaux

Très profond (jusqu’à 1.470 mètres), le lac Tanganyika est divisé en plusieurs strates, expliquent les chercheurs. La grande majorité des espèces vit en surface, dans les 100 premiers mètres. En-dessous, l’oxygène se fait de plus en plus rare, à tel point que les profondeurs du lac sont totalement dépourvues d’oxygène. Un brassage des eaux permet aux nutriments de remonter vers la surface. Or l’augmentation de la température de surface, en modifiant la densité des eaux, rend ce brassage plus difficile. Plus de vent est alors nécessaire pour permettre aux nutriments de remonter, analysent les chercheurs.

De plus les sédiments révèlent un lien entre la température et la production d’algues dans le lac, les périodes de réchauffement s’accompagnant d’une baisse de la productivité biologique, précisent les chercheurs. Leurs travaux, publiés dans la revue Nature Geoscience (AOP, 16 mai 2010), confirment le rôle du réchauffement climatique dans la baisse de productivité biologique du lac –hypothèse émise en 2003 par une précédente étude.


News Environnement, 17/05/2010

Réchauffement important du lac Tanganyika : la vie aquatique menacée

Par Sandra Besson

Le lac Tanganyika en Afrique, deuxième plus grand lac au monde en volume et en profondeur, a enregistré un réchauffement considérable depuis 90 ans et cette augmentation des températures affecte de manière significative la vie aquatique de la région.

Le lac africain Tanganyika s’est considérablement réchauffé pendant le siècle dernier et est désormais plus chaud qu’il ne l’a jamais été au cours des 1500 dernières années, d’après un article scientifique publié dans le magazine Nature Geoscience.

Ce réchauffement des températures de l’eau du lac représente une menace directe pour la faune et la flore de cette région.

Le lac, qui constitue une frontière naturelle entre la Tanzanie à l’Est de l’Afrique et la République Démocratique du Congo, est le deuxième plus grand lac en volume et en profondeur, d’après l’article.

Une scientifique chargée de l’étude, Jessica Tierney, a déclaré que cette forte augmentation des températures coïncidait avec la croissance des émissions de gaz à effet de serre enregistrée au cours du siècle dernier, et l’étude est donc une preuve supplémentaire du réchauffement de la planète engendré par la croissance de ces émissions.

Les grands lacs tels que le Tanganyika, le Malawi et le Turkana ont été formés il y a des millions d’années par le mouvement des plaques tectoniques qui déchire la Vallée du Grand Rift Africain.

Près de dix millions d’individus vivent autour du lac Tanganyika et dépendent de lui pour leur approvisionnement en eau potable et en nourriture, notamment du poisson.

Les géologues de l’Université Brown de Rhode Island ont utilisé du carbone 14 pour mesurer l’âge des sédiments sur le lit du lac. Ils ont ensuite testé les micro-organismes fossilisés dont les membranes changent selon les températures, pour évaluer les différentes températures qu’a atteint le lac dans le passé.

Les résultats ont été publiés dans le journal Nature Geoscience dimanche.

«  Le lac Tanganyika a fait l’expérience d’un réchauffement sans précédent au cours du siècle dernier » indique un communiqué de presse accompagnant le journal. « Le réchauffement affectera probablement les populations de poissons dont dépendent des millions d’individus ».

La plupart des études sur le changement climatique se concentrent plutôt sur les températures atmosphériques mais de plus en plus de scientifiques étudient ses effets sur les océans, les mers et les lacs, qui absorbent tous de grandes quantités de chaleur.

L’article indique que l’augmentation récente des températures est corrélée avec une perte de productivité biologique dans le lac, ce qui semble indiquer que des températures plus élevées pourraient affecter la vie aquatique.

«  Le lac Tanganyika est devenu plus chaud, de plus en plus stratifié et moins productif au cours des 90 dernières années » indique l’article.

«  Des températures sans précédent et une diminution de la productivité peuvent être attribuées au réchauffement climatique, avec des implications importantes pour la pêche dans le lac Tanganyika ».

Les températures de l'eau du lac ont augmenté de 0,9°C et cette croissance a été accompagnée d'une chute du volume d’algues.

« Nous montrons que la tendance au réchauffement que nous avons constatée affecte également ces endroits isolés dans les tropiques » a déclaré Jessica Tierney. « Nous avons enregistré un réchauffement intense ces dernières années… pas seulement dû aux variations naturelles du climat ».

Elle a ajouté que la vie aquatique dans le lac avait été affectée parce que dans un lac aussi profond que le Tanganyika, les nutriments se forment au fond du lac mais les algues qui en ont besoin vivent à la surface.

Les températures plus élevées à la surface signifient moins de mélange des eaux profondes et des eaux de surface. « C’est pourquoi le réchauffement du lac signifie qu’il y a moins de vie ».

Cependant, l’article admet que d’autres facteurs, tels que la surpêche, peuvent être un danger plus important que le réchauffement pour la biodiversité du lac.