Rwanda : l'acquittement surprise de l'opposante Diane Rwigara et sa mère
Afrique

@rib News, 06/12/2018 – Source AFP

L'opposante rwandaise Diane Rwigara (photo), critique du président Paul Kagame, a été acquittée jeudi par un tribunal de Kigali d'incitation à l'insurrection et falsification de documents, des charges qui lui ont valu d'être emprisonnée pendant plus d'un an et dénoncées comme politiques par l'intéressée.

Selon le jugement, rendu par un panel de trois juges, "les charges retenues par l'accusation sont sans fondement". La salle d'audience, remplie et dans laquelle avaient notamment pris place des membres de la famille Rwigara, a explosé de joie une fois la lecture de la décision achevée.

Les cinq coaccusés de Mme Rwigara dans cette affaire, dont sa mère Adeline, ont également été acquittés.

Le tribunal a estimé que les critiques de Diane Rwigara contre le gouvernement, notamment lors de conférences de presse, ne constituait pas une "incitation à l'insurrection" car elles s'inscrivent dans le cadre de son droit à la liberté d'expression garantie par la Constitution rwandaise et les lois internationales.

Les juges ont également estimé que l'accusation n'avait pas prouvé que Mme Rwigara avait falsifié des signatures dans le dossier présenté à la commission électorale en vue de sa participation à l'élection présidentielle de 2017. Le rejet de cette candidature avait été critiqué par des gouvernements occidentaux et des groupes de défense des droits de l'Homme.

Le 7 novembre, l'accusation avait requis 22 ans de prison contre Diane Rwigara et sa mère Adeline.

Adeline Rwigara était elle accusée d'"incitation à l'insurrection et promotion du sectarisme", dans un pays encore hanté par le génocide de 1994 qui fit plus de 800.000 morts essentiellement parmi la minorité tutsi.

Diane Rwigara, sa mère et sa soeur Anne avaient été arrêtées et emprisonnées en septembre 2017. Diane et sa mère ont été remises en liberté sous caution début octobre. La soeur avait recouvré la liberté un an auparavant, les charges pesant contre elle ayant été abandonnées.

Depuis son arrestation, Diane Rwigara dénonce des poursuites montées selon elle de toutes pièces par le régime pour la réduire au silence.

Le président rwandais Paul Kagame, crédité de l'important développement d'un pays exsangue au sortir du génocide de 1994, est régulièrement accusé de bafouer la liberté d'expression et de museler toute opposition.

Il a été réélu le 4 août 2017 pour un nouveau mandat de sept ans avec près de 99% des voix. Une réforme de la Constitution adoptée par référendum fin 2015 lui permet de potentiellement diriger le pays jusqu'en 2034.

Régulièrement accusé de bafouer la démocratie et de museler toute opposition, il bénéficie parallèlement d'une compréhension particulière de milieux intellectuels et d'affaires occidentaux qui le créditent du développement d'un pays exsangue au sortir du génocide de 1994.

Le vrai bilan est plus controversé. 24 ans après la tragédie, le Rwanda se situe au 158ème rang mondial en terme d'indice de développement humain (IDH), à côté de la Mauritanie ou Haïti. Un tiers du budget de l’État est couvert par l'aide internationale. 40 % de la population vit au dessous du seuil de pauvreté.

Terre bénie pour les investissements, au 41ème rang du classement « Doing business » qui mesure les opportunités d'affaires, le Rwanda n'en est pas moins considéré par beaucoup comme un modèle pour l'Afrique. Le président français Emmanuel Macron a favorisé en octobre dernier l'élection à la tête de l'Organisation Internationale de la Francophonie de Louise Mushikiwabo, ministre et proche de Paul Kagame, ce dernier ayant pourtant converti son pays à l'anglophonie.

Malgré ces soutiens, les critiques par des organisations internationales du régime de Kigali se sont multipliées ces dernières années pour ses atteintes à la démocratie et la liberté d'expression, répression, meurtres d'opposants, tortures, au point de refroidir quelque peu son fidèle allié américain.