La colère gronde à Bujumbura contre Mussa Faki Mahamat
Politique

PANA, 08 décembre 2018

Burundi : Le Président de la Commission de l’UA ciblé par des marches-manifestations orchestrées à travers le pays

Bujumbura, Burundi - Le nom de l’actuel président de la Commission de l’Union africaine (UA), Mussa Faki Mahamat, est apparu samedi en caractères gras sur une banderole géante qui barrait la marche-manifestation à Bujumbura, sous une pluie battante pour ses réserves en rapport avec les poursuites judiciaires enclenchées, 25 ans après l’assassinat du président démocratiquement élu, Melchior Ndadaye, et pendant que persiste le lourd contentieux électoral de 2015, a-t-on constaté sur place dans la capitale burundaise.

La colère gronde à Bujumbura alors que l’UA avait pris les devants ces derniers jours, pour plaider la levée des sanctions de la communauté internationale, principalement celles de l’Union européenne (UE), qui étranglent le Burundi, suite à la crise politique et des droits humains autour des élections controversées et émaillées de violences de 2015.

D’autres marches-manifestations encadrées par le pouvoir étaient rapportées par les correspondants de presse locaux à travers les rues des grandes villes du Burundi où le nom de Mussa Faki a été encore conspué à maintes reprises.

La rue a repris le relai des déclarations officielles, dont celles du parlement burundais, de la Commission de l’unité nationale et de certaines organisations de la société civile, réputées proches du pouvoir burundais, dans la dénonciation publique de la déclaration de M. Mahamat.

«Mussa Faki Mahamat s’est arrogé le droit de s’ingérer dans les affaires de la justice burundaise, au nom de l’UA, alors qu’il n’en avait pas les prérogatives», a dénoncé un message officiel aux différents rassemblements de ce samedi.

«Moussa Faki Mahamat veut couvrir l’impunité des crimes imputables au Major Pierre Buyoya dont on connaît les relations privilégiées avec le Président de la Commission de l’UA», clamait-on encore dans la marche-manifestation à Bujumbura.

Le Major Pierre Buyoya est un ancien chef d’Etat burundais contre lequel le Parquet général de la République a émis récemment un mandat d’arrêt international pour son rôle présumé d’«auteur/planificateur» de l’assassinat de son successeur, Melchior Ndadaye.

Des mandats d’arrêt internationaux ont été également émis contre 16 personnalités politico-militaires, réputées proches du Major Buyoya, actuellement «Haut représentant» de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, avec comme quartier général Bamako, la capitale malienne.

Un général et trois colonels à la retraite des ex-forces armées burundaises (ex-FAB), quant à eux, ont été cueillis à domicile, sous le même chef d’accusation d’auteur/planificateur de l’assassinat de feu Melchior Ndadaye et une dizaine de ses proches collaborateurs.

La colère des milieux officiels à Bujumbura contraste néanmoins avec les soupçons de l’opposition qui incrimine une «manœuvre à peine voilée» du pouvoir burundais, visant à instrumentaliser la justice pour masquer les problèmes auxquels il fait face, notamment l’incapacité de trouver une issue pacifique à la crise suite aux élections controversées et émaillées de violences de 2015.

La prise de position de M. Mahamat allait encore dans le sens de mettre en avant le travail de la Commission pour la vérité et la réconciliation (CVR) dans la recherche d’une paix durable au Burundi, dans l’esprit et la lettre de l’accord inter-burundais d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie qui avait mis fin à une décennie de guerre civile, suite à l’assassinat du président Ndadaye.

L’assassinat d’un chef d’Etat est considéré à Bujumbura comme un «sacrilège» qu’il ne convient pas de noyer dans les vastes dossiers dévolus à la commission chargée principalement d’enquêter sur les différents crimes allant de l’époque coloniale (1885-1962) à 2008, date de la conclusion de l’accord global de cessez-le-feu dans la guerre civile au Burundi.

Feu Ndadaye fut brièvement le premier président démocratiquement élu, issu de la communauté majoritaire des Hutu, avant d’être assassiné moins de trois mois après par des mutins des ex-Forces armées burundaises (ex-FAB), dominées, à l’époque, par des militaires Tutsi, la seconde ethnie en importance au Burundi.

La guerre civile qui a suivi le putsch a plongé le Burundi dans des tueries inter-ethniques au bilan lourd d’au moins 300.000 morts et plus d’un million de déplacés intérieurs et extérieurs.

Une partie de l’opinion nationale réclame également justice pour les milliers de morts de la guerre civile que certains assimilent à un « génocide politico-ethnique » pour venger le président Ndadaye.