Mende : le père Gérard Rwisasu poursuit sa mission du Burundi à la Lozère
Société

Midi Libre, 24/12/2018

Face à la crise des vocations, l'Eglise catholique de France accueille des prêtres étrangers pour des "contrats à durée déterminée". Le père Rwisasu est l'un d'eux.

Noël a une saveur particulière pour Gérard Rwisasu. Surprenante, même. Il faut dire que dans son pays, au Burundi, la dimension que revêt cette fête est uniquement religieuse.

"Ici, c’est culturel et religieux. C’est même très commercial. Chez nous, il y a juste quelques… comment appelez-vous cela, déjà ? Ah oui, des guirlandes. Et on commence à voir des sapins chez ceux qui ont fait des études", et ont donc été en contact avec l’Occident.

Loin de vouloir juger, en homme d’Église qu’il est, il se réjouit: "On sent la communauté vivre; c’est une fête qui mobilise." D’ailleurs, c’est le rendez-vous qui, sans surprise, voit la plus grande affluence à l’église. "Il y a beaucoup d’enfants, de familles. C’est Dieu qui nous rassemble, et c’est beau. On sent la communion entre les gens."

Un long chemin

La vocation pour la prêtrise, Gérard Rwisasu l’a ressentie tôt. Il entre au séminaire après l’école, à 13 ans. "Au moment du collège, j’ai douté un peu. Pas quant à la vocation, mais quant aux moyens. Ma famille n’arrivait pas à payer la formation, alors je voulais travailler." Mais il poursuit sa route, soutenu par la paroisse qui lui donne du travail. Si la foi est ancrée, le cheminement est tortueux. "Au lycée aussi, j’ai failli partir, admet-il en toute humilité. Je me suis dit que tous les prêtres avaient une formation identique, et que ce n’était pas normal. J’ai pensé qu’il fallait d’abord chercher une qualification profane. Dans mon idée, il fallait être médecin."

Faute de soigner les corps, finalement, il soignera bien les âmes. Jusqu’à débarquer en France, il y a trois ans, sur une proposition de son diocèse; parce qu’en matière d’âmes aussi, la Lozère  -comme la France, en proie à une crise des vocations- frôle le désert médical. Cette mission, Gérard Rwisasu n’a pas hésité à l’embrasser. "Un prêtre est à disposition de toute l’Église. C’est bon de partager la bonne nouvelle avec ceux d’ailleurs qui vivent une autre expérience. Et il est normal que l’on aille chez les missionnaires qui nous ont évangélisés."

Certes, au début, cela n’a pas été facile. Un peu perdu dans ce pays qui lui était étranger, il a retrouvé ses repères au sein des prêtres et de la communauté qui l’a accueilli, d’abord à Marvejols, puis à Florac. Si en France, les églises ne sont pas autant remplies que par le passé, "il y a des gens qui cherchent, confie Gérard Rwisasu. Ils viennent de toutes les catégories sociales."

Œcuménisme

La messe de minuit, le père Rwisasu la célèbre cette année à Saint-Étienne-du-Valdonnez. Ce jour de Noël, il sera à Saint-Germain-de-Calberte. Un symbole riche de sens pour le père Rwisasu, dont le pays d’origine abrite également des catholiques et des protestants, mais qui partagent plus difficilement leur foi.

"Ici, en Cévennes, les protestants et les catholiques vivent vraiment ensemble. On programme des choses ensemble, on médite l’Évangile de saint Marc, on fait le chemin de croix… Quand je vois un prêtre et un pasteur qui discutent, qui bâtissent, je trouve que c’est porteur d’espoir. C’est une expérience que j’acquiers." Il a encore trois ans pour s’en enrichir, avant de regagner son diocèse d’origine. Mais pour lui, ici ou là-bas, la mission ne change pas. Et le message reste le même.

STÉPHANIE BOULOIR