Burundi : la protection de la faune sauvage jugée "très alarmante"
Société

@rib News, 05/01/2019 – Source Xinhua

La protection de la faune sauvage au Burundi est "très alarmante", a déclaré samedi M. Samuel Ndayiragije, directeur général de l'Office burundais pour la protection de l'environnement (OBPE), professeur d'université et expert environnemental.

M. Ndayiragije, qui est également Point focal national de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction connue par son acronyme anglais dénommé "Convention on International Trade of Endangered Species"(CITES), s'exprimait au cours d'une interview exclusive à Xinhua dans son cabinet de travail à Bujumbura.

Accord international signé par 180 Etats en 1973 à Washington et entré en vigueur en 1975, la CITES est destinée à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages, ne menace la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.

"Pour preuve, à ce jour, 12 espèces de mammifères, en l'occurrence les lions, les rhinocéros, les éléphants, les girafes et les zèbres, sont déjà disparus sur le paysage faunistique burundais", a-t-il précisé.

Toutefois, a-t-il nuancé, dans la catégorie des "grands" mammifères "restants encore" dans le pays, on relève notamment des hippopotames retrouvés dans "pas mal de lacs et rivières" et principalement dans le parc national de la Rusizi situé à la frontière commune à l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) et l'ouest du Burundi.

"Le reste à l'échelle nationale est la menace persistante sur les grands mammifères au Burundi. Les cas illustratifs sont notamment le cas de la rivière Ruvyironza où il n'y a plus d'hippopotame, celui de la rivière Malagarazi que le Burundi partage avec la Tanzanie où ce mammifère est aussi en disparition. Donc, en définitive pour les grands mammifères, le Burundi dispose encore uniquement des buffles dans le parc national de la Ruvubu ; et là aussi seulement dans les deux communes de Kigamba et de Bugenyuzi sur les neuf communes couvertes par cette aire protégée", a-t-il fait remarquer.

Cette situation est "très grave", a affirmé par ailleurs le directeur général Ndayiragije.

Ainsi, il a déploré qu'on ne parle plus au Burundi des éléphants qui peuplaient dans le temps la région naturelle de l'Imbo, des buffles qui habitaient la forêt naturelle de la Kibira, ainsi que des lions qui se trouvaient dans les savanes de l'est du Burundi, en particulier dans les provinces de Cankuzo et de Ruyigi frontalières avec l'ouest de la Tanzanie.

"Ceci pour vous dire qu'un décor ainsi planté est très alarmant ; car, l'amer constat est que les animaux restent uniquement dans des aires protégées au Burundi", a-t-il souligné.

Sur la question de savoir si ce processus d'extinction de la faune burundaise relève d'un fait isolé ou serait lié en partie à des situations régionales homologues provenant des pays limitrophes au Burundi, l'expert Ndayiragije a indiqué que l'appréciation y relative est à nuancer.

"Certes, la région tanzanienne frontalière du Burundi, qui avait dans le passé une faune beaucoup plus étendue, est en train de connaître, elle aussi, une disparition progressive de son patrimoine faunistique. Cependant, la Tanzanie a la chance d'avoir des réserves et des parcs nationaux plus étendus. Là alors, la disparition faunistique observée dans la région tanzanienne frontalière du Burundi, semble moins perceptible quant on fait le décompte au niveau national. En revanche, au Burundi, les pertes enregistrées revêtent une dimension nationale", a-t-il explicité.

Interrogé sur les causes de l'extinction progressive du patrimoine faunistique burundais, M. Ndayiragije a indiqué que cette situation résulte notamment des actes posés par la population burundaise en termes de menace sur la biodiversité dans le temps et l'espace.

"Il sied de faire remarquer que la population burundaise a presque quadruplé depuis l'indépendance recouvrée en juillet 1962 où les Burundais frôlaient le chiffre de 3 millions contre près de 12 millions actuellement. Donc, l'accroissement démographique de la population burundaise à une telle ampleur, est devenu une menace à l'habitat des espèces faunistiques locales", a-t-il laissé entendre.

Par exemple, a-t-il noté, les lions, les phacochères et les buffles qui peuplaient les communes Mishiha, Kigamba et Gisagara qui peuplaient certaines communes de la province de Cankuzo à l'aube des années 1960, ont été exterminés par l'occupation des habitats de ces animaux. Les chasses intensives de ces animaux ainsi que le phénomène de feux de brousse sont venus empirer une telle situation, a-t-il renchéri.

Ces disparitions faunistiques au Burundi, a-t-il noté en outre, ont déjà affecté aussi "le monde des oiseaux" sur la liste desquels on relève les grues couronnées, les aigles et autres grands rapaces aujourd'hui déjà disparus dans le pays.

En guise de solutions à cette problématique environnementale burundaise, M. Ndayiragije a recommandé que pour remédier aux "retards enregistrés" dans les politiques de conservation de la faune et de la flore au Burundi, les pouvoirs publics devraient accélérer le processus d'affectation de certaines zones géographiques à la protection environnementale.