Rien ne va plus entre Kigali et Bujumbura
Sécurité

Deutsche Welle, 05.01.2019

 Dans son message de fin d’année, le président Paul Kagame est revenu sur les dangers qui menacent son pays en pointant du doigt certains voisins, notamment le Burundi. Le sujet inquiète et fait l'objet de débats.

"Certains voisins ont tenté de raviver le danger que représentent les FDLR, le RNC et d’autres forces négatives pour notre pays. Cela compromet les progrès satisfaisants faits par l’EAC en matière d'intégration est-africaine et de sécurité régionale. Pour l’un des voisins, ce n’est pas étonnant. Cependant, nous sommes surpris par un autre pays voisin. Les éléments de preuves que nous disposons, et dont vous êtes aussi censés avoir, montrent clairement la complicité malgré le déni public".

Ainsi parlait le président rwandais Paul Kagame en début de semaine. Si par rapport au premier voisin, on est en droit de tourner nos regards vers la RDC voisine où sont basés les rebelles hutus rwandais des FDLR, pour le second, cela nécessite un peu de gymnastique.

Il parle du Burundi sans le nommer

Bien que le président Paul Kagame n'ait pas nommé un pays, il y a des raisons suffisantes pour qu'il s’agisse du Burundi.

Kigali accuse son voisin d'être derrière les attaques armées menées au cours de l’année dernière dans certaines localités rwandaises frontalières du Burundi. Des attaques revendiquées par un mouvement rebelle.

Les relations entre les deux pays d'Afrique centrale sont très tendues. C’est le point de vue de Pritish Behuria du département "Relations internationales" de la London School of Economics and Political Science. 

"La situation est extrêmement compliquée entre les deux pays depuis qu’ils soutiennent chacun que leur voisin appuie des groupes dangereux à son pays. Donc, cette tension est vraiment montée d’un cran récemment. Même Museveni en a beaucoup parlé au cours des derniers mois. Et les dirigeants de l'Afrique de l'Est en général disent que ce regain de tension entre le Rwanda et le Burundi pourrait mettre en danger de la sécurité de la région".

À plusieurs reprises, le président rwandais, Paul Kagame, a appelé à un soutien dans la lutte contre les groupes d'opposition armés installés en RDC, notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda.

Des groupes armés soutenus par le Burundi ?

Dans son rapport du 18 décembre dernier, le groupe d'experts de l'ONU sur le Congo a révélé que le Congrès national rwandais, le RNC, parti d'opposition, soutenait également la résistance armée contre le Rwanda, financée et contrôlée depuis le Burundi.

La tension politique entre le Rwanda et le Burundi fait partie des problèmes qui minent l’intégration de  la Communauté de l'Afrique de l'Est, l’EAC.

Pour Christopher Kayumba, professeur à l'Université du Rwanda, seul le renforcement de la démocratie dans les pays peut ramener la stabilité dans la région.

"L’EAC n'a toujours pas résolu le problème des conflits armés. Yoweri Museveni est arrivé au pouvoir en Ouganda en 1986 après une rébellion armée, tout comme Paul Kagame au Rwanda et Pierre Nkurunziza au Burundi. Si cela continue après plus de trois décennies en Ouganda, deux au Rwanda et au Burundi, alors l’EAC n’a pas réussi à instaurer la culture du transfert pacifique du pouvoir d’un dirigeant à un autre".

Le Burundi est en crise depuis que le président Pierre Nkurunziza a annoncé en avril 2015 sa candidature à un troisième mandat controversé. Il avait été réélu en juillet de la même année.

Les violences qui ont accompagné la crise auraient fait au moins 1.200 morts et déplacé plus de 400.000 personnes entre avril 2015 et mai 2017, d'après les estimations de la Cour pénale internationale.

Cette même Cour qui a d'ailleurs ouvert une enquête. Pierre Nkurunziza accuse Paul Kagamé d’accueillir ses opposants qui ont tenté de le renverser par les armes en 2015.

Auteur : Kossivi Tiassou

Avec la contribution de Fröhlich Silja et Fred Muvunyi.