RDC : Victoire contestée de l'opposant Félix Tshisekedi à la présidentielle
Afrique

@rib News, 10/01/2019 – Source Reuters

L'opposant Félix Tshisekedi (photo) a remporté l'élection présidentielle du 30 décembre dernier en République démocratique du Congo (RDC) avec 38,57% des suffrages, a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi la Commission électorale nationale (Ceni), un résultat aussitôt contesté par un autre candidat de l'opposition, Martin Fayulu.

L'élection doit ouvrir la voie à la première transition pacifique du pouvoir dans l'histoire de la RDC dont le président sortant, Joseph Kabila, en place depuis 2001, avait décidé de ne pas se représenter en application des dispositions sur la limitation des mandats présidentiels.

Mais, selon deux diplomates, les résultats annoncés par la Ceni ne correspondent pas au décompte effectué par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) qui attribue la victoire à un autre dirigeant de l'opposition, Martin Fayulu.

Les vaincus, parmi lesquels le candidat du parti au pouvoir choisi par Joseph Kabila, l'ancien ministre de l'Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, ont la possibilité de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.

"Naturellement, nous ne sommes pas heureux que notre candidat ait perdu, mais le peuple congolais a choisi et la démocratie a triomphé", a commenté Barnabé Kikaya Bin Karubi, l'un des principaux conseillers de Kabila.

Dans un entretien accordé à Radio France Internationale (RFI), Martin Fayulu a pour sa part dénoncé un "putsch électoral".

"Les résultats n'ont rien à voir avec la vérité des urnes", a dit celui qui est soutenu par les principaux rivaux de Kabila, appelant les observateurs du scrutin à en publier les "vrais" résultats.

Cette déclaration alimente la suspicion qui entoure les résultats de l'élection, des observateurs ayant signalé des irrégularités et des rumeurs faisant état de négociations secrètes entre le gouvernement de Kabila et Félix Tshisekedi en vue d'un partage du pouvoir.

LES DOUTES DE LA FRANCE

L'élection s'est déroulée dans la confusion, marquée par des problèmes de sécurité, des pannes et autres difficultés logistiques, laissant craindre de nouvelles violences.

A Paris, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, s'appuyant sur les observations de la Conférence épiscopale qui avait déployé 40.000 scrutateurs le jour du scrutin, a estimé jeudi que les résultats annoncés par la Ceni ne semblaient "pas conformes aux résultats que l'on a pu constater ici ou là". Le ministre français a par ailleurs lancé un appel calme.

Son homologue belge Didier Reynders, plus prudent, a fait part des doutes de l'ancienne puissance coloniale. "Nous avons un certain nombre de doutes que l'on doit vérifier et qui feront l'objet de débats dans les prochains jours au sein du Conseil de sécurité (des Nations unies)", a-t-il dit sur la RTBF.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé "toutes les parties prenantes à s'abstenir d'actes violents et à régler tout contentieux électoral par les mécanismes institutionnels établis conformément à la Constitution de la République démocratique du Congo et aux lois électorales pertinentes".

Des policiers avaient été déployés mercredi autour du siège de la commission électorale à Kinshasa et sur le principal boulevard de la capitale.

A l'annonce des résultats, des milliers de personnes se sont rassemblées à Limete, le quartier de Kinshasa où réside Félix Tshisekedi, pour célébrer sa victoire, dansant et chantant au son des klaxons.

"Je ne serai pas le président d'une organisation politique (...) Je ne serai pas président d'une tribu (...) Je serai le président de tous les Congolais", a-t-il dit lors d'un discours prononcé à son siège de campagne devant ses partisans.

Le fils de l'opposant historique Etienne Tshisekedi, mort en 2017 après 35 ans de combats politiques, a aussi rendu hommage à Joseph Kabila, qu'il a décrit comme un "important partenaire politique".

Si sa victoire est confirmée sous dix jours par le Conseil constitutionnel, Tshisekedi sera le premier dirigeant congolais à prendre le pouvoir par les urnes depuis Patrice Lumumba, renversé par un coup d'Etat trois mois après l'indépendance, en 1960, et tué quatre mois plus tard.

LE CAMP FAYULU DÉNONCE DES CONTACTS ENTRE TSHISEKEDI ET KABILA

Lors d'une conférence de presse organisée très tard dans la nuit, à 03h00 heure locale (02h00 GMT), semble-t-il dans le but d'éviter le déclenchement de manifestations, le président de la Ceni a déclaré que Tshisekedi avait remporté l'élection présidentielle avec 38,57% des suffrages.

Corneille Nangaa a précisé que sur 18 millions de suffrages exprimés, il avait recueilli plus de 7 millions de voix contre 6,4 millions pour Fayulu et environ 4,4 millions pour Ramazani.

Des sondages réalisés avant le scrutin donnaient Fayulu en tête devant Tshisekedi.

Les craintes d'une manipulation électorale en faveur du candidat du pouvoir ne se sont pas matérialisées, mais des proches de Fayulu ont accusé Kabila de vouloir négocier un accord de partage du pouvoir avec Tshisekedi si Shadary venait à être battu.

Des partisans de Félix Tshisekedi, qui ne doutaient pas de sa victoire, ont reconnu mardi avoir rencontré des représentants de Kabila en vue d'assurer un transfert pacifique du pouvoir, niant toutefois la conclusion d'un accord. Les pro-Kabila ont démenti de tels contacts.

L'Eglise catholique de RDC a déclaré la semaine dernière que ses décomptes "consacraient" la victoire d'un candidat. La Cenco n'a pas précisé son identité mais en a informé des diplomates.

Prévue à l'origine dimanche dernier, l'annonce des résultats du scrutin avait été repoussée car la commission électorale avait dit ne pas avoir reçu un nombre suffisant de procès-verbaux.