Espoir de justice pour un opposant rwandais assassiné
Afrique

Human Rights Watch, 16 janvier 2019

Une enquête s’est ouverte en Afrique du Sud pour le meurtre de Patrick Karegeya

Il y a encore une chance que justice soit faite pour le meurtre du colonel Patrick Karegeya, un dissident rwandais retrouvé assassiné dans sa chambre d’hôtel à Johannesbourg, en Afrique du Sud, le 1er janvier 2014.

L’enquête judiciaire sur le meurtre du colonel Karegeya s’est ouverte aujourd’hui, le 16 janvier, à Johannesbourg. Personne n’a été inculpé, et les principaux suspects ont fui le pays, mais le procureur en chef Yusuf Baba prévoit d’entendre 30 témoins, parmi lesquels les officiers de police qui ont enquêté sur l’affaire, et des membres du personnel de l’hôtel. Le neveu du colonel Karegeya, David Batenga, est le dernier à avoir vu l’exilé rwandais le jour de sa mort. « Cela fait bien trop longtemps que nous attendons ce jour. J’espère que justice sera faite », a déclaré ce dernier à Human Rights Watch. Une fois l’enquête judiciaire terminée, Yusuf Baba décidera ou non de renvoyer le dossier pour l’ouverture d’une procédure pénale et l’organisation d’un procès.

De 1994 à 2004, le colonel Karageya dirigeait les services de renseignement extérieur du Rwanda. Il a été emprisonné deux fois, en 2005 et 2006, avant de fuir en Afrique du Sud en 2007. Il a été rejoint sur place par l’ancien chef d’état-major de l’armée Kayumba Nyamwasa, et ensemble ils ont fondé un parti d’opposition en exil, le Congrès national rwandais (Rwanda National Congress, RNC). Kayumba Nyamwasa a survécu à une tentative d’assassinat en Afrique du Sud en 2010.

Le risque de menaces, de disparitions forcées, d’arrestations illégales, de placement en détention et d’actes de torture qui pèse sur les dissidents politiques au Rwanda reste bien trop réel. De nombreux anciens représentants du parti au pouvoir, le Front patriotique rwandais (Rwandan Patriotic Front, RPF) qui se sont retournés contre le président Kagame ont été la cible d’attentats et de menaces au cours de ces dernières années, bien que le gouvernement nie systématiquement être impliqué.

Le 14 janvier 2014, quelques jours après le meurtre de Patrick Karegeya, le bureau du président Kagame a publié le commentaire suivant sur Twitter : « Ceux qui critiquent le Rwanda savent jusqu’où ils iront pour protéger leur nation ». Le même jour, Kagame a prononcé un discours en public dans lequel il a pratiquement cautionné le meurtre de Patrick Karegeya, affirmant que « quiconque trahit le pays en paiera le prix ».

L’enquête sur le meurtre du colonel Karegeya représente un pas important pour la justice. Le gouvernement rwandais devrait coopérer pleinement avec cette procédure. En parallèle, les pays accueillant des réfugiés et demandeurs d’asile rwandais, qui continuent à craindre légitimement pour leur sécurité, devraient garantir leur protection.

Lewis Mudge

Chercheur senior, division Afrique