Burundi : Un scrutin communal très attendu et sous tension
Politique

La Libre Belgique, 21/05/2010

Marie-France Cros

Les communales ouvrent le cycle des “deuxièmes élections” après la guerre. On s’attend cependant à des résultats très partagés, au contraire de 2005.

Le Burundi entame, ce 21 mai, un important cycle électoral, celui des "deuxièmes scrutins". Les premiers, en 2005, avaient sanctionné la fin de la guerre civile déclenchée en 1993 par l’assassinat du premier président hutu élu, Melchior Ndadaye, fondateur du parti Frodebu.

Les élections de 2005 avaient balayé le Frodebu, pacifiste, du pouvoir, au profit de l’ex-rébellion hutue du CNDD-FDD, en raison des scandales de corruption attachés au premier. Cette fois, c’est le CNDD-FDD qui se trouve sur la défensive, en raison d’une succession d’affaires de corruption, tout en disposant d’un atout, en la personne du chef de l’Etat.

Pierre Nkurunziza est en effet très populaire auprès de larges secteurs de la population paysanne (plus de 90 % des Burundais) après avoir été pratiquement en campagne électorale permanente depuis cinq ans, sillonnant le pays avec sa chorale religieuse et son club de foot, au rythme d’opérations - plus spectaculaires qu’efficaces, selon des agronomes - de plantation d’avocatiers.

Les premières élections du cycle sont les communales. Elles seront suivies par le premier tour des présidentielles, le 28 juin, les législatives le 23 juillet, les sénatoriales (indirectes) le 28 juillet et les collinaires (les collines sont la plus petite circonscription) le 7 septembre.

Les communales sont importantes à plus d’un titre. Outre que les communes ont des pouvoirs importants, les élus désigneront les sénateurs. De plus, tout le monde attend les résultats de la consultation avec impatience parce que les Burundais estiment généralement qu’elle donnera une indication solide sur la force respective des différents partis en présence. Beaucoup d’analystes pensent en effet que le vote, contrairement à 2005, sera "éclaté".

Une vingtaine de partis, sur un total de 44 formations agréées, et cinq indépendants, ont déposé des dossiers de candidature aux communales. Mais seuls les principaux (CNDD-FDD, Frodebu, l’ex-guérilla FNL, encore dans la clandestinité en 2005, et l’ex-parti unique Uprona, favori des Tutsis) ont déposé des candidatures dans les 129 communes du pays. Les nouveaux partis UPD (de l’ex-bras droit, incarcéré, du président Nkurunziza, Hussein Rajabu) et MSD (de l’ex-journaliste Alexis Sinduhije, qui s’est fait connaître en dénonçant les cas de corruption) en ont déposé dans 128 communes. Les autres formations en ont déposé, selon les cas, dans 2 à 106 communes.

Le scrutin communal intervient dans une atmosphère de tension. Des violences ont opposé à de multiples reprises des militants ou des membres des "Jeunesses" (des milices) des trois principaux partis hutus, le CNDD-FDD, les FNL et le Frodebu. L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch a attiré l’attention sur le fait qu’ils recrutaient d’anciens combattants démobilisés, incités à commettre des violences. De nombreux rapports soulignent l’attitude inadmissible de la police - notoirement acquise au CNDD-FDD - lors de nombreux incidents violents.