Le Rwanda rend hommage aux victimes du génocide de 1994
Afrique

@rib News, 07/04/2019 – Source Reuters

Les autorités rwandaises ont entamé dimanche une semaine d'hommage solennel aux 800.000 Tutsis et Hutus modérés massacrés il y a 25 ans au cours des trois mois qu'a duré le génocide rwandais.

Le président Paul Kagamé a déposé une gerbe au mémorial de Gisozi, où sont enterrées plus de 250.000 personnes, avant une après-midi de discours et de chants. Dans la soirée, une veillée aux chandelles a été organisée dans un stade de football bondé.

"Il est impossible de comprendre pleinement la solitude et la colère des survivants, et pourtant, toujours et encore, nous leur demandons de faire les sacrifices nécessaires pour permettre la renaissance de notre nation. Les émotions doivent être enfermées dans une boîte", a déclaré Paul Kagamé, dont le discours était retransmis par la télévision dans tout le pays.

"Les Rwandais vont mieux aujourd'hui que par le passé. Mais nous pouvons aller encore mieux. Nous sommes le dernier peuple au monde qui doive succomber à l'autosatisfaction", a-t-il ajouté.

Le massacre des Tutsis et des Hutus modérés, qui a duré 100 jours, a débuté le 6 avril 1994 après que l'avion transportant le président rwandais Juvénal Habyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira – tous deux Hutus – eut été abattu par un missile au-dessus de la capitale rwandaise. Les auteurs de cet attentat n'ont jamais été identifiés.

L'armée rwandaise et les milices hutus extrémistes Interahamwe se sont alors lancées dans une extermination méthodique de la minorité tutsie.

A Gisozi dimanche, des artistes populaires rwandais ont entonné des chants comme "Turabunamira twiyubaka", qui signifie "Rendre hommage tout en reconstruisant".

Une dizaine de chefs d'Etat assistaient aux cérémonies, ainsi que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et Julie Payette, gouverneure générale du Canada.

Emmanuel Macron avait en revanche annoncé qu'il serait absent. Le rôle joué par la France lors du génocide demeure controversé.

ORPHELIN TUTSI

Le président français s'est fait représenter à Kigali par Hervé Berville, député La République en marche (LaRem) des Côtes-d'Armor et orphelin tutsi.

Emmanuel Macron a dit souhaiter faire du 7 avril une journée de commémoration nationale du génocide rwandais.

En fin d'après-midi à Kigali, des milliers de personnes ont défilé entre le Parlement et le stade national de football. Après leur entrée, les lumières ont été éteintes. Le stade plongé dans l'ombre n'était éclairé que par une mer de flammes de bougies vacillantes pendant que les survivants parlaient.

"J'ai donné à mes enfants le prénom de tous mes frères et soeurs qui sont morts", a déclaré Samuel Dusengiyumva à la foule émue avant de louer les actions du Front patriotique rwandais (FPR), le mouvement rebelle dirigé par Paul Kagamé qui a mis fin au génocide. "Je remercie l'armée du FPR qui nous a sauvés car le reste du monde n'a rien fait."

Pendant le génocide, jusqu'à 10.000 personnes étaient tuées chaque jour à coups de machette, de gourdin, par balles ou brûlées vives.

Lorsque le génocide a pris fin en juillet 1994, après la prise du pouvoir par le Front patriotique rwandais (FPR), 70% des Tutsis rwandais avaient été tués et 10% de la population rwandaise dans son ensemble.

Avec l'arrivée de Paul Kagamé au pouvoir, toute discussion à propos des ethnies a été fortement découragée. Selon l'opposition, le contrôle strict des médias et de la sphère politique est aussi utilisé pour étouffer la dissidence.

"Le parti au pouvoir a décidé d'adopter la dictature dès le lendemain du génocide, déclarant vouloir protéger la souveraineté nationale. Mais maintenant je pense que cela devrait prendre fin", a déclaré à Reuters Victoire Ingabire, une figure de l'opposition.

"Le gouvernement devrait laisser les membres de l'opposition travailler librement, car les priver de leurs droits va créer des problèmes. Vingt-cinq ans, c'est suffisant. Il faut que le gouvernement laisse les gens libres d'exprimer leur opinion."

Paul Kagamé, qui a recueilli près de 99% des suffrages lors de l'élection de 2017 avec un taux de participation de 96%, réfute ces critiques. Il met en avant la forte croissance économique du Rwanda et la paix relative qui règne depuis le génocide.

Dans son discours de dimanche, il a également mis en garde ceux qui pourraient menacer le pays.

"Ce qui est arrivé ici ne se reproduira plus jamais. Pour ceux (qui) (...) nous chercheraient (...), on va leur donner du fil à retordre", a déclaré le président.