Burundi : Pierre Nkurunziza sera-t-il quand même candidat en 2020 ?
Politique

La Libre Belgique, 8 mai 2019

Bien que le président Pierre Nkurunziza ait affirmé qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle de 2020, divers préparatifs au Burundi laissent penser le contraire. Le dernier en date est une flagrante prise de position contre l’opposition de la part de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), mardi à Bujumbura, et l’annonce de nouvelles attaques contre la liberté d’information.

Lors d’une réunion à Bujumbura, mardi, de la Ceni avec des représentants de l’opposition et des Eglises, le commissaire chargé des Affaires juridiques et du Contenieux électoral au sein de la commission électorale, Jean Anastase Hicuburundi, s’en est pris aux médias indépendants.

Il faut savoir que nombre de ceux-ci émettent ou publient en ligne à partir de l’étranger depuis la destruction de leurs installations au Burundi, au printemps 2015, dans la foulée de la répression qui s’est abattue contre ceux qui s’opposaient à un troisième mandat du président Nkurunziza, troisième mandat expressément interdit par l’Accord de paix d’Arusha, qui mit fin à la guerre civile (1993-2005).

Tout est de leur faute

Selon M. Hicuburundi, ce sont les médias indépendants « qui ont fait qu’il y avait des frondeurs au sein du CNDD-FDD (NDLR: allusion au refus de ce troisième mandat illégal à l’intérieur du parti au pouvoir qui a, depuis, été épuré), l’insurrection populaire, les réfugiés (NDLR: 400.000 personnes qui ont fui la répression) et d’autres maux qui ont paralysé le pays. Ils ont tout fait pour mettre le pays à genoux », a-t-il assuré. « Le peuple burundais doit se désolidariser des médias qui n’accompagnent pas l’action gouvernementale », a-t-il ajouté. « Je lance un appel à la population de ne plus prêter l’oreille attentive aux médias qui veulent détruire car ils ont un agenda caché ».

M. Hicuburundi prévenu: « Nous devons nous préparer pour faire face à ces médias. Nous demandons au CNC (NDLR: Conseil national de la Communication, instance de régulation des médias au Burundi) de barrer la route à ces médias qui ne veulent pas suivre le chemin tracé par le gouvernement ».

L’intervention de M. Hicuburundi a suscité des réactions négatives des représentants de l’opposition et d’une partie de ceux des Eglises, présents à la réunion. Ils ont rappelé que la Ceni était supposée être neutre, a indiqué un tweet de l’ONG « SOS Médias Burundi ».

Appels à un quatrième mandat

Cette annonce d’un tour de vis supplémentaire contre la liberté d’information, déjà bien mal en point au Burundi, est survenue deux jours après l’arrestation d’un journaliste de la Radio Television Nationale du Burundi, Claude Nshimirimana, alors qu’il faisait du jogging à Kabezi. Il serait accusé d’avoir tenu « une réunion clandestine ».

Cette répression intervient alors que le 25 avril dernier a été – de manière inédite – célébré le quatrième anniversaire de l’annonce de la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, mandat qui avait déclenché d’importantes manifestations de protestation et une sanglante répression de celles-ci, puis de présumés opposants à cette candidature. Depuis lors, la terreur règne au Burundi. 

Selon BurundiDaily.net, en effet, le CNDD-FDD, au pouvoir, a commencé à diffuser sur Whatsapp des chants à la gloire de Pierre Nkurunziza, alors que certains appelaient opportunément à un nouveau mandat pour le chef de l’Etat.

Le « Visionnaire » qui inspire

Au même moment, le président du parti, Evariste Ndayishimiye, a contacté la presse encore présente à Bujumbura pour célébrer, dans un style qui n’a rien à envier à la Corée du Nord, le « Visionnaire » – le chef de l’Etat – , « l’Homme du peuple » pour « sa bravoure, son leadership patriotique et sa fermeté dans son combat contre l’impérialisme. Son attachement à la défense de la souveraineté et de la démocratie devrait inspirer les générations futures ».

L’opposition est, sans surprise, présentée comme « à la solde des impérialistes », « diffusant des rapports et écrits haineux et biaisés (…) visant à salir le Burundi aux yeux du monde ». Il faut préciser que si les autorités de Bujumbura tuent, emprisonnent, mutilent, passent à tabac toute voix dissidente (ou supposée telle) au Burundi, elle expulse les étrangers qui évoquent les violations massives des droits de l’homme enregistrées depuis 2015.

Par Marie-France Cros