Burundi : Saisie controversée de biens d'opposants
Justice

PANA17 mai 2019

Bujumbura, Burundi, - Des biens meubles et immeubles appartenant à une trentaine d’auteurs présumés du mouvement insurrectionnel contre le troisième mandat présidentiel de 2015, jugé « anticonstitutionnel », et la tentative de putsch militaire manqué qui a suivi, ont été saisis, sur ordre du président de la Cour suprême, François Nkezabahizi, a-t-on appris, jeudi, de source judiciaire à Bujumbura.

D’après le Porte-parole de la Cour suprême et du Parquet général de la République, Mme Agnès Bangiricenge, les biens saisis seront versés dans le patrimoine de l’Etat burundais.

Le ministère burundais de l’Equipement est appelé à prendre « toutes les dispositions nécessaires » pour éviter que ces biens ne se détériorent et qu’ils soient exploités par l’Etat, « dans l’intérêt général », en attendant la suite du dossier, selon la même source.

Le président du Conseil national pour la défense de l'Etat de droit et l'accord inter-burundais d'août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation (CNARED, principale plateforme de l'opposition intérieure et en exil), Jean Minani, fait partie des leaders politiques dont les biens ont été saisis.

"La décision ne repose sur aucun fondement légal et sera levée tôt ou tard", a-t-il estimé.

Il s’agit d’un énième développement dans ce dossier répressif qui a déjà valu la prison à vie à une vingtaine de hauts gradés de l’armée et de la police nationale pour avoir orchestré la tentative de putsch manqué.

Des mandats d’arrêt internationaux ont été également émis contre une trentaine d’autres leaders politiques de l’opposition et des responsables de la société civile en exil.

Par ailleurs, une commission d’enquête judiciaire a déjà rendu un rapport provisoire, faisant état de plus de 51 milliards de francs burundais (plus de 28,3 millions de dollars américains) de dommages pour l’Etat et les tiers.

La justice internationale s’est également mobilisée face à la tournure dangereuse des événements de 2015 au Burundi.

Ainsi, la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert des enquêtes sur de présumés crimes de génocide, de guerre et contre l’humanité à charge de l’Etat burundais, dans sa tentative de venir à bout du mouvement insurrectionnel.

Le pouvoir burundais, de son côté, a décidé de se retirer unilatéralement de cette juridiction internationale "à la solde de l'impérialisme", dès l’entame des enquêtes aujourd’hui au point mort.

L'Union européenne (UE) et les Etats Unis d'Amérique, quant à eux, ont décidé des sanctions ciblées contre cinq hauts responsables de l'appareil sécuritaire burundais pour leur rôle présumé dans la répression du mouvement insurrectionnel de 2015.

Les sanctions leur privent de visas et de comptes bancaires dans l'espace Schengen et sur le territoire américain, ce qui a été assimilé à Bujumbura, à une violation de la souveraineté d'un pays indépendant.

Le dossier judiciaire rebondit à une année de nouvelles échéances électorales pendant que persiste le contentieux électoral de 2015.

Les nouvelles mesures portant saisies des biens des principaux acteurs politiques de l’opposition ne participent pas à décrisper l’atmosphère à l’approche de nouvelles élections générales au Burundi, de l’avis des analystes à Bujumbura.