Burundi : la Cour des comptes recadre le pouvoir sur la loi des finances
Economie

PANA17 mai 2019

Burundi : la Cour des comptes tacle l'exécutif sur son projet de loi des finances 2019/2020

Bujumbura, Burundi - Un rapport de la Cour des comptes du Burundi sur le projet de loi des finances, exercice 2019/2020, relève, entres autres vices de procédure, le non-respect de l’article 181 de la Constitution qui dispose que l’Assemblée nationale est saisie du projet dès l’ouverture de sa session ordinaire du mois d’avril.

Le rapport est destiné à éclairer le parlement burundais dont la session en cours porte principalement au vote du projet de loi des finances 2019/2020 et qui doit encore être promulgué par décret pour avoir une force de loi directement applicable, à partir du mois de juin prochain.

D'un autre côté, le rapport relève que la lettre de cadrage budgétaire 2019/2020 a été transmise aux ministères et institutions concernés avec « plus de 3 mois de retard », là aussi « sans calendrier budgétaire ni méthodologie » à suivre dans le processus de préparation du projet de loi des finances.

La cour relève que la lettre de cadrage budgétaire ne contient pas de format des textes et de tableaux à respecter pour l’établissement des propositions budgétaires par les ministères et institutions concernés. Elle ne contient pas non plus de tableaux reprenant l’état d’exécution des projets arrêtés à la fin de l’exercice antérieur.

Au niveau du fond, la Cour des comptes déplore que l’ordonnance de mise en application de la redevance administrative, pour la délivrance de la carte d’agrément en qualité d’agence de transport aérien, terrestre et maritime, n’a pas été mise à sa disposition.

Par ailleurs, l’article 24 de la loi relative aux finances publiques « n’a pas été respecté » en ce qui concerne la limite des 10% du montant des transferts et l’obligation de signature conjointe du ministre des Finances et du ministre concerné par le transfert entre articles budgétaires.

D’un autre côté, la taxe anti-pollution sur les sachets en plastique, prévue à l’article 44 du projet de loi des finances 2019/2020 « n’a pas été prise en compte dans le tableau des prévisions des recettes de 2019/2020 ».

En outre, les recettes fiscales annoncées dans la lettre de cadrage qui sont de 786,2 milliards de francs burundais ne correspondent pas aux recettes du projet de loi de finances qui sont de 854,9 milliards (un dollar américain valait 1837 francs burundais au cours de vendredi).

La Cour des comptes relève encore une discordance entre les données des recettes fiscales de la lettre de cadrage et celles du projet de loi des finances 2019/2020.

D’une part, les prévisions « ne sont pas réalistes » pour les rubriques des impôts sur le revenu, les bénéfices et les gains en capital et des exonérations.

D’autre part, les prévisions des recettes des droits administratifs ont été revues à la baisse alors que leur niveau de réalisation à fin février est satisfaisant (72,5%).

La cour relève encore une discordance entre le montant des achats de biens et services renseigné dans la classification économique et celui inscrit à l’article 2 du projet de loi des finances 2019/2020, avec une différence de 150 millions de francs burundais.

Par ailleurs, les prévisions des dépenses courantes et des dépenses en capital du même projet dépassent les plafonds fixés par la lettre de cadrage, tandis que les prévisions sur les immobilisations incorporelles sont jugées « irréalistes » car, « elles ont été revues à la hausse alors que l’exécution a connu un taux faible de 12,5%.

Le rapport de la Cour épingle encore les prévisions des exonérations sur les importations « qui ne sont pas corrigées malgré leur taux d’exécution élevé (l’exécution du 01/07/2018 au 31/03/2019 est de 645,1%).

Au chapitre des recommandations, le ministère des Finances doit, entre autres, mettre à la disposition du Parlement, la situation des tirages au titre des emprunts extérieurs pour lui permettre d’apprécier la sincérité des données et la qualité des prévisions.

Le Parlement doit encore être éclairé sur le caractère imprévisible et accidentel des dépenses financées par la ligne des imprévus.

Dans l’exécution du budget 2019/2020, les crédits d’imprévus doivent aller uniquement aux dépenses ayant un caractère « réellement imprévisible et accidentel ».

Un éclairage doit également être apporté sur « l’importante évolution » que connaissent les rubriques «frais de formation du personnel et frais de mission», «frais de relations publiques, publicités et intendances» et «entretien et réparation» des véhicules de l’Etat dans le projet de loi des finances 2019/2020.

La Cour juge encore nécessaire de justifier le dépassement des prévisions des dépenses courantes et des dépenses en capital du même projet de loi par rapport aux plafonds fixés par la lettre de cadrage.

Les prévisions sur les « immobilisations incorporelles » qui ont été revue à la hausse alors que l’exécution a connu un taux faible de 12,5% doivent également être justifiées.

La cour recommande encore de produire, à l’avenir, les données chiffrées qui sont à la base du calcul des hypothèses macroéconomiques et de respecter l’article 12 de la loi relative aux finances publiques en cas de besoin de financement du déficit budgétaire.

Concernant le projet de loi des finances 2019/2020, tel qu’il a été élaboré et présenté par l’exécutif, les hypothèses macro-économiques et budgétaires dégagent un taux d’indépendance budgétaire estimé à 83,6 pc, contre 81,2 pc pour l’exercice 2018-2019.

Le budget de l’Etat burundais était financé à concurrence de plus de 50 pc par les principaux bailleurs techniques et financiers extérieurs qui ont tourné le dos au pays, suite à la crise politique et des droits humains autour des élections générales controversées et émaillées de violences de 2015, rappelle-t-on.

L’exercice 2019-2020 prévoit des ressources totales du budget général de l’Etat de l’ordre de 1.321 milliards de francs burundais (722,8 millions de dollars américains), contre 1.237,1 milliards (677,4 millions de dollars), soit une augmentation de 7,3 pc.

Quant aux charges, elles passent de 1.400,7 milliards de francs burundais, soit 766,7 millions de dollars, en 2018-2019, à 1.516,2 milliards de francs, soit 830,2 millions de dollars, pour l’exercice 2019-2020, soit un accroissement de 8,2 pc.

Le déficit global du budget général de 2019-2020 s’élève ainsi à 189,2 milliards de francs burundais, soit 103,5 millions de dollars, contre 163,5 milliards de francs, soit 89,2 millions de dollars, pour l’exercice 2018-2019, soit une augmentation de 25,7 milliards de francs, soit 13,6 millions de dollars).

Pour faire face à ce déficit et augmenter les recettes, l'Etat burundais prévoit de nouvelles mesures "en vue d’élargir l’assiette fiscale, de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, de renforcer le recouvrement des arriérés et de maîtriser les exonérations sur les importations".

Dans l’exposé des motifs, l’on apprend que le projet de loi des finances pour l’exercice 2019-2020 intervient "dans un environnement caractérisé par un redressement économique au niveau international".

Au niveau national, " ce projet est préparé dans un contexte marqué par une reprise modérée de l’économie et par la poursuite de la politique budgétaire prudente et de priorisation dans la gestion du budget de l’Etat".