Burundi : les autorités harcèlent le parti d’opposition CNL
Politique

La Libre Belgique, 27 juin 2019

En février dernier, le régime totalitaire burundais avait tenté de rendre son image plus souriante en reconnaissant le parti d’opposition d’Agathon Rwasa, après l’avoir obligé à en changer le nom. Mais, depuis lors, ce CNL (Congrès national pour la liberté) est l’objet d’une répression violente: meurtres, disparitions, incendies de permanences et fausses accusations.

Le régime du président Pierre Nkurunziza s’est lancé dans une répression tous azimuts depuis que d’importantes manifestations, à partir d’avril 2015, ont protesté contre son projet de se présenter à un troisième mandat expressément interdit par l’Accord d’Arusha qui mit fin à la guerre civile (1993-2005; 300.000 morts). Tirs contre des manifestants désarmés, tentative de putsch militaire, destruction des médias indépendants, crises économique, meurtres, disparitions… Le pays a vécu ces dernières années dans la terreur imposée par le parti au pouvoir (CNDD-FDD) et sa milice Imbonerakure. L’Union européenne a imposé des sanctions à certains de ses dirigeants.

L’image du Burundi à l’extérieur est si mauvaise que sa demande d’intégrer la SADC (marché commun d’Afrique australe) a été refusée le mois dernier.

A la mi-juin, Human Rights Watch (HRW) indiquait que les abus contre des opposants réels ou supposés semblaient avoir augmenté depuis l’accréditation, en février, d’un nouveau parti d’opposition.

Le rival de Pierrre Nkurunziza

Il s’agit de celui formé par Agathon Rwasa, vieux rival de Pierre Nkurunziza pour le vote hutu, obligé d’abandonner son sigle bien connu FNL (Forces nationales de libération), pour celui, nouveau, de CNL.

Cette répression contre le CNL se poursuit, au vu des nouvelles récoltées par les médias burundais indépendants, qui émettent ou paraissent en ligne depuis l’extérieur, grâce à leurs contacts au Burundi.Elle vise le processus d’installation de permanences du CNL en province qui, bien que légalement autorisé, doit faire face à une interdiction de fait, imposée soit par des administrateurs locaux, soit par la force, au moyen de la milice Imbonerakure – à laquelle une impunité presque totale est consentie.

Fausses accusations

Le CNL est ainsi accusé de tenir « des réunions illégales » même quand elles sont dûment annoncées aux autorités. Ce fut notamment le cas de celle de Buhiga (Karusi), le 25 mai, à l’issue de laquelle trois dirigeants du parti ont été arrêtés;seuls deux d’entre eux ont été relâchés.

L’affaire de Nyabiraba (Bujumbura rural, place-forte du CNL depuis des décennies) est encore plus scandaleuse. Début juin, l’administrateur de cette localité avait menacé le propriétaire d’une maison louée au CNL pour en faire la permanencelocale du parti: « Si tu leur loues ta maison, sache qu’elle sera détruite ». Le 12 juin, peu avant l’ouverture officielle de la permanence, celle-ci fut saccagée. Les militants avaient à peine remis les choses en place pour l’ouverture, le 16, que, le 15 juin au soir, ils furent attaqués par un groupe d’hommes, dont certains portaient la tenue de policier, qui attrapèrent une partie des présents et les ligotèrent; on est sans nouvelles d’eux. Puis ils mirent le feu au bâtiment, qui a été détruit. Le 19 juin, neuf responsables locaux du CNL qui venaient d’être arrêtés furent condamnés à deux ans de prison chacun – sans être défendus par un avocat – accusés d’avoir …bouté le feu eux-même à cette permanence.

Menaces officielles contre le CNL

Le 21 juin, le porte-parole du ministre de l’Intérieur, Tharcisse Niyongabo, a menacé le CNL, lors d’une émission publique à Muyinga (nord-est). Selon lui, les membres du parti d’opposition à Nyabiraba ont mis le feu à leur permanence en vertu d' »une nouvelle stratégie » destinée à « ternir l’image du Burundi ». Et d’ajouter que « s’il s’avère encore une fois que ce sont eux qui créent les désordres, nous allons prendre des mesures ».

De son côté, le gouverneur de Gitega a accusé le CNL d’être « le seul parti » à poser des problèmes et à organiser « des réunions clandestines sans collaborer avec l’administration ».

On note encore que le 20 juin, les domiciles de trois membres du CNL ont été attaqués, notamment à la grenade, à Mubimbi (Bujumbura rural) par des Imbonerakure « qui ne se chachaient même pas » et ont tabassé l’un d’entre eux; celui-ci a eu la jambe brisée. Le même jour, à Gisovu (Bujumbura rural), une réunion du CNL qui a avait été dûment autorisée par l’administrateur local a été de facto interdite par des Imbonerakure jugeant que « le CNL n’a pas sa place ici ».

Le 30 juin prochain, c’est à Kirundo que doit être ouverte une permanence du CNL et la tension est forte. Les partisans du pouvoir assurent qu’il faut l’interdire parce que les membres du CNL « sont indisciplinés ». Les militants CNL montent donc la garde près du bâtiment et assurent être déterminés à défendre leurs droits.

 Par Marie-Fance Cros.