Burundi : «terreur» avant les élections de 2020, selon l’ONU
Droits de l'Homme

Le Matin, 4 sept. 2019

Une Commission d'enquête de l'ONU estime que tous les facteurs pour des atrocités au Burundi sont réunis et dénonce un climat de terreur dans le pays voisin du Rwanda. Doudou Diène, président de la Commission d'enquête de l'ONU pour le Burundi, craint le pire. 

Les violations de droits de l'homme au Burundi atteignent désormais tout le pays, alors que la présidentielle est prévue en 2020, selon la Commission d'enquête de l'ONU. Celle-ci a estimé mercredi à Genève que tous les facteurs pour de nouvelles atrocités sont réunis.

Dans leur rapport, les trois membres de la Commission d'enquête internationale indépendante sur le Burundi ont répété que les crimes contre l'humanité, déjà dénoncés à plusieurs reprises, se poursuivaient dans ce pays. «Il est extrêmement dangereux de s'exprimer de manière critique» au Burundi, affirme le président de l'instance, Doudou Diène.

Les violences liées au contexte électoral de 2015 étaient pendant longtemps surtout observées dans la région de la capitale Bujumbura. Mais l'action des milices proches du pouvoir les a élargies désormais partout dans le pays. Et désormais, dans le contexte préélectoral, les abus ont surtout lieu «dans les zones reculées», «sans témoin», dès que quelqu'un est suspecté d'être associé à l'opposition, a relevé devant la presse M. Diène.

Les actes des responsables de sécurité mais surtout des milices ont établi un climat qui semble apaisé. «Un calme qui repose sur la terreur», relève toutefois Françoise Hampson, une autre membre de la commission. Selon cette instance, la répression des libertés «s'accélère».

Président à nouveau remis en cause

Difficile pour autant pour elle de recommander une inéligibilité des membres de ces milices du parti au pouvoir. Comme une impunité généralisée est observée, personne n'a été poursuivi et ce type de sanction semble impossible à appliquer, insiste Mme Hampson.

Dans un précédent rapport, la commission avait mis en cause le chef de l'Etat Pierre Nkurunziza, accusé d'alimenter les discours de haine. Mercredi, elle a aussi déploré une «centralisation» des mécanismes sécuritaires autour de la présidence. Pour cette raison, la responsabilité de celui qui a promis de ne pas se représenter en 2020 est engagée, selon M. Diène.

Des violences sexuelles, des exécutions sommaires, des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires ou encore des cas de tortures de prisonniers ont été observées. La population est aussi contrainte par l'intimidation de contribuer financièrement à l'effort électoral du parti au pouvoir.

Après les restrictions imposées depuis un an aux ONG et la fermeture il y a quelques mois du bureau du Haut-commissariat aux droits de l'homme, tous ces abus sont perpétrés «quasiment» sans surveillance de la communauté internationale. La Commission est actuellement le seul mécanisme international indépendant qui mène des investigations sur le Burundi.

Tous les facteurs réunis

Selon les trois spécialistes, l'ensemble des huit facteurs pour les atrocités criminelles établis par l'ONU sont présents au Burundi avant le scrutin de 2020. «La situation doit être suivie avec la plus grande vigilance par la communauté internationale», ajoutent-ils.

Cette détérioration ne signifierait pas pour autant une menace de génocide. «Jusqu'ici, c'est une crise politique avec des éléments ethniques. Mais surtout une crise politique», dit Mme Hampson.

Le rapport de la commission, qui n'a pas accès au territoire burundais, a été publié après plus de 1200 témoignages de victimes, de témoins, de responsables présumés de violations des droits de l'homme et d'autres interlocuteurs. Les violences liées au contexte électoral en 2015 au Burundi auraient fait au moins 1200 tués et plus de 400'000 réfugiés, selon la Cour pénale internationale (CPI).

Laisser entrer des observateurs

La commission demande aux autorités un accès aux observateurs électoraux pour le scrutin de 2020. Elle dit que la communauté internationale devrait dépêcher des représentants seulement si ceux-ci peuvent oeuvrer sans entraves.

Les trois experts indépendants appellent aussi le gouvernement à réviser le code électoral pour permettre une participation sans discrimination, à libérer les détenus politiques et à autoriser le retour des opposants. Ou encore à garantir la liberté des partis politiques et l'indépendance de la Commission électorale. (ats/nxp)