Le couple Mpozagara condamné lundi à deux ans de prison avec sursis
Justice

Le Figaro21 octobre 2019

«Esclavage moderne»: les époux Mpozagara condamnés à deux ans de prison avec sursis

L’ancien ministre burundais [Gabriel Mpozagara, Photo] et sa femme risquaient dix ans de prison pour «traite d’être humain» et «travail dissimulé»

«J’ai été réduit en esclavage.» Le 9 septembre dernierau tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine), Méthode S. a clamé haut et fort que ses anciens employeurs l’avaient exploité pendant des années.

Ce lundi, les juges ont condamné les époux Mpozagara à deux ans de prison avec sursis et trois ans de mise à l’épreuve, ainsi que 70.000 euros d’amendes diverses en faveur de la victime et 526.000 euros d’amende à verser à l’Urssaf. L’ex-ministre burundais et ancien haut fonctionnaire de l’Unesco ainsi que sa femme disposent de dix jours pour interjeter appel.

Lors du procès, Méthode S. a longuement décrit les terribles conditions de vie et de travail qu’il a dû endurer pendant plusieurs années au domicile de Ville-d’Avray de Gabriel et Candide Mpozagara. Sous-payé, le trentenaire devait s’occuper sept jours sur sept du fils handicapé du couple, ainsi que du ménage, de la cuisine et du linge de la maisonnée. Lors de ses rares heures de repos, il dormait dans une cave humide et se lavait au seau d’eau. Son calvaire a pris fin en juillet 2018, lorsque ses employeurs ont été interpellés.

Une avancée législative déterminante en 2013

L’ancien cultivateur burundais a ensuite été pris en charge par la Comité contre l’esclavage moderne (CCEM). Partie civile au procès, le CCEM a rappelé que les époux Mpozagara avaient déjà été poursuivis par la justice pour des faits similaires. En 2007, ces derniers ont ainsi été condamnés par le même tribunal de Nanterre pour avoir maintenu deux sœurs burundaises, parentes de Candide Mpozagara, dans des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine. En 2009, ils ont été relaxés en appel.

Les deux sœurs ont alors saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a fait condamner la France en 2012 pour n’avoir pas mis en place «un cadre législatif et administratif permettant de lutter efficacement contre la servitude et le travail forcé». L’année suivante, le travail forcé, la réduction en servitude et la réduction en esclavage ont été introduits dans le Code pénal. Une avancée qui a pu jouer un rôle dans la décision de ce lundi, estiment certains acteurs du dossier.

«Méthode était libre comme l’air»

Lors de l’audience, la défense des prévenus s’est élevée contre l’évocation de cette précédente affaire, arguant qu’«il n’y avait pas récidive puisqu’il n’y avait pas eu de condamnation», et a dénoncé un «acharnement» à l’encontre du couple de septuagénaire. Sur le fond du dossier, les avocats ont assuré que Méthode S. «était considéré comme un membre de la famille, donc était traité comme les autres et aidait comme les autres». Candide Mpozagara a en outre affirmé que «Méthode était libre comme l’air, adulte et vacciné».

Une argumentation qui n’a pas convaincu le ministère public. «Comment à notre époque, en France, peut-on encore trouver des gens réduits à l’état d’esclaves?», s’est émue la procureure dans son réquisitoire, avant de réclamer une peine de trois ans de prison dont un avec sursis, sur les dix encourus pour «traite d’être humain», «travail dissimulé», «emploi d’un étranger sans titre» et «aide au séjour irrégulier». Le couple Mpozagara a finalement été condamné pour tous ces chefs d’accusation. «Cette reconnaissance est très importante», s’est félicité le CCEM auprès du Figaro.

Par Aude Bariéty