À Bukavu (Sud-Kivu), on craint qu’une guerre débute dans la province
Afrique

L'Avenir, 13/11/2019

«Il y a un risque de massacres»

Certains craignent une possible opération militaire menée avec les pays voisins au Sud-Kivu. Car «qui va protéger la population locale?»

«J’ai peur que le Sud-Kivu devienne un champ de bataille. Il y a un risque d’embrasement et de massacres à l’encontre de la population.» Ce cri d’alarme nous a été confié lors de notre voyage, la semaine dernière, dans cette province de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC).

Philippe Hensmans, le directeur de la section belge francophone d’Amnesty International, indique que «la situation est vraiment désastreuse dans toute la région. Il n’y a aucune stabilité là-bas. Mais malheureusement, ce n’est pas nouveau.»

Des sources locales indiquent qu’actuellement, la situation est chaotique dans le Sud du Sud-Kivu, du côté de Mulenge, Baraka et Fizi notamment, que ce soit dans la plaine ou dans les plateaux. Les milices armées, locales ou étrangères, y terrorisent la population. «Quand la nuit tombe, les habitants ne savent pas s’ils vont se réveiller le matin.»

Le nouveau président Félix Tshisekedi, en fonction depuis neuf mois, a promis d’éradiquer les groupes armés présents dans l’Est de la RDC, au Nord et au Sud-Kivu. Cet été, lors du Sommet de la Southern African Development Community, en Tanzanie, il a demandé le soutien des pays voisins (Rwanda, Burundi et Ouganda) afin de créer une coalition régionale pour combattre ce fléau.

Mais le déploiement d’armées étrangères en RDC est une solution dont les habitants ne veulent pas, par crainte d’un bain de sang du côté des civils. «Qui va protéger la population?»

Certains doutent des intentions réelles des armées étrangères, soulignant qu’elles pourraient venir pour exploiter le sous-sol riche en minerais. Et qu’in fine, elles occupent l’Est de la RDC.

En outre, l’identification des groupes à combattre semble une mission bien ardue, les pays de la région s’accusant mutuellement de soutenir des milices présentes en territoire congolais.

Aucune décision n’a encore été prise pour concrétiser cette force régionale. Du côté politique congolais et de l’armée congolaise, il y a eu des démentis, souligne d’ailleurs Jean-Claude Willame, professeur émérite de l’UCLouvain et spécialiste de la région.

«Notre armée pourrait mener seule cette opération si on lui en donnait les moyens», assure un informateur congolais.

Tanguy de Wilde, professeur de relations internationales à l’UCLouvain, se montre plus prudent. «La question est de savoir si la RDC en a la capacité avec une force armée qui doit être aguerrie et non corrompue.»

Toujours est-il que selon cet expert, la RDC doit négocier avec ses voisins pour stabiliser la région, chacun étant tributaire des autres en matière de sécurité et de maîtrise du territoire et des frontières.

«Il faudrait que les présidents de la RDC, du Rwanda, de l’Ouganda, du Burundi et de la Tanzanie se réunissent et proposent des pistes de solutions. On a besoin de la paix», implore une de nos sources.

Quentin COLETTE