En 2019, quelle "personnalité" aura le plus marqué l’année au Burundi ?
Question à La Une

@rib News02/01/2020

Denise NKURUNZIZA «PERSONNALITÉ DE L’ANNÉE 2019» AU BURUNDI


Depuis plusieurs années, Révérende Denise Nkurunziza, Première Dame du Burundi, s’était contentée d’être une conseillère avisée, discrète, influente et efficace. Pasteur d’une église évangélique, l’Église du Rocher, dont le président Pierre Nkurunziza est le premier adepte, elle a surtout utilisé la religion pour aider son mari à affermir son autorité et sa légitimité.

Elle s’est en outre investie en priorité dans des activités caritatives (et représenter la société civile), et pour les droits de la femme. Denise Nkurunziza a animé plusieurs conférences, ateliers et autres émissions publiques pour parler des questions relatives au secteur de la santé comme l’infertilité, la santé sexuelle et reproductive ainsi que la lutte contre le Sida.

Au cours de l’année qui vient de s’écouler, Denise Nkurunziza ira jusqu’à pousser la chansonnette pour les femmes infertiles. Sa chanson - Umukenyezi Arengeye Kuvyara Gusa (Une femme est bien plus que donner simplement naissance) - qui a été diffusée sur WhatsApp, lui a attiré les éloges de nombreuses personnes.

Mais l’an 2019 aura surtout vu Denise Nkurunziza se métamorphoser en une femme politique au sens plein du terme, doublée d’une oratrice hors pair, et bénéficiant de l’admiration de son époux pour son militantisme chevronné.

Ainsi, on l’a vu occuper les devants de la scène politico-diplomatique du pays, partager les rênes du pouvoir avec son Président de mari et se transformer ainsi en "super vice-président".

En février 2019, lors d’un atelier placé sous le thème « Femme de Destinée, la Consolidation de la paix te concerne », elle a exhorté les femmes burundaises à se présenter aux prochaines élections, non pas seulement en tant qu’électrices mais aussi et surtout en tant que candidates. Ajoutant qu’elle-même prendra ses responsabilités au moment opportun, sans plus de précisions. Ce qui a laissé place à toutes les spéculations.

Au cours des « croisades de prière » régulièrement organisées par le couple présidentiel, la Première dame n’hésite plus à passer de la parole de prédicateur au discours politique. Elle ira jusqu’à dénoncer des crimes de sang et crimes économiques « commis par certaines autorités du pays qui malmènent les citoyens ». Une menace à peine voilée en direction de certains caciques du régime, notent des analystes.

Le 30 septembre 2019, le chef de l’Etat recevait en audience son épouse Denise au Palais présidentiel dans le cadre d’une cérémonie officielle. Si la scène est devenue l’objet de moqueries sur les réseaux sociaux, pour les connaisseurs du marigot burundais c’était un signe qui ne trompe pas. Par ce geste Pierre Nkurunziza a voulu donner à son épouse une stature politique qui dépasse le simple rôle de First Lady.

Fin octobre 2019, la Première dame du Burundi marqua un joli coup diplomatique en organisant une grande conférence internationale à Bujumbura, la « Deuxième Conférence Internationale des Femmes Leaders », réussissant ainsi à fissurer l’isolement de son pays sur la scène diplomatique mondiale depuis la crise politique de 2015 dans le pays.

Devant un parterre de femmes venues du monde entier - dont la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies pour l’Afrique, la Guinéenne Bintou Kéita ; la Première dame de la République centrafricaine, Tina Marguerite Touadéra ; celle du Congo-Brazzaville, Antoinette Sassou-Nguesso ; et l’ex-Première Dame de la Tanzanie, Salma Kikwete - le président Pierre Nkurunziza a rendu un vibrant hommage à son épouse, en de termes sans équivoque.

« Je salue l’organisation de cette Conférence qui me donne l’occasion de vous dire officiellement et solennellement, Excellence Madame la Première Dame du Burundi, à haute et intelligible voix et séance tenante, que vous êtes une Femme de Grandeur Physique et Morale, et que le Burundi est béni de Vous compter parmi ses Filles et Fils dignes. Que Dieu Vous bénisse abondamment », a déclaré le chef de l’Etat burundais dans son discours d’ouverture. Cet éloge a sonné comme une forme de « passage de témoin entre un président sortant et, peut­-être, une future présidente en 2020 »…

« Est-elle partie pour succéder à son mari ?», qui a déjà annoncé son départ du pouvoir au terme des prochaines élections générales de 2020, sans toutefois donner le nom de son « Dauphin », suppute-t-on dans les milieux politique du pays et à l’étranger. Alors, sera-t-elle à la hauteur pour relever le défi ?

Si Denise Nkurunziza peut compter sur l’appui indéfectible de son mari, de la très influente Ligue des femmes du parti au pouvoir CNDD-FDD (Abakenyerarugamba) et, dans une certaine mesure, de l’incontournable Ligue des jeunes du parti (Imbonerakure), plusieurs embûches sont d’ores et déjà dressées sur son chemin.

La société patriarcale du Burundi est-elle prête de voir une femme à la tête du pays ? Rien n’est moins sûr. Mais le plus grand obstacle pour Denise Nkurunziza réside ailleurs. Les « Généraux » issus de l’ex-rébellion, et qui sont déjà dans les starting blocks, accepteront-ils de passer une fois de plus leur tour, sans coup férir ? C’est la hantise des partisans d’une candidature de la First Lady pour succéder à son époux.

Pierre Nkurunziza réussira-t-il là où Robert Mugabe et Jacob Zuma ont échoué ? Telle est la question qui taraudent les esprits en ce début de 2020. Mais la réponse ne saurait tarder puisque les dépôts de candidature pour l’investiture du parti au pouvoir CNDD-FDD sont attendues pour le 25 février prochain.

Qu’on adhère ou pas aux idées de ce couple présidentiel, l’on doit reconnaître que Denise Nkurunziza a révolutionné la fonction de Première dame au Burundi - même si certains diront que cela s’est fait au nom de la foi et au détriment de la loi -, et admettre qu’elle aura incontestablement marqué l’année 2019 au Burundi et qu’elle va influer, d’une façon ou d’une autre, sur les évènements de 2020 qui débute.

La Rédaction