Présidentielle au Burundi, le régime en ordre de marche
Politique

La Croix, 06/02/2020

Le général Evariste Ndayishimiye a été désigné candidat du parti au pouvoir pour succéder au président Pierre Nkurunziza lors des élections de mai. La tête change, pas le système.

Au pouvoir depuis 2005, Pierre Nkurunziza ne se présentera pas à l’élection présidentielle burundaise du 20 mai, comme il s’y était engagé dès 2018. Le choix du parti présidentiel, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), s’est porté sur son secrétaire général, le général Evariste Ndayishimiye, lors d’une cérémonie présidée par Pierre Nkurunziza lui-même.

Un homme du maquis

Catholique de 52 ans, Evariste Ndayishimiye est perçu comme un homme plus ouvert que le président sortant. À la tête du CNDD-FDD, il a essayé de rétablir la confiance avec les partenaires du Burundi, adoptant un langage moins agressif vis-à-vis de l’occident, et faisant du développement et de la lutte contre la pauvreté ses priorités.

En 1995, il échappe de peu à la répression qui s’abat sur les étudiants hutus de l’université du Burundi. Il gagne le maquis en rejoignant les Forces de défense de la démocratie (FDD), la rébellion lancée par des Hutus burundais en exil après l’assassinat du président Melchior Ndadaye, fin 1993.

Nommé chef adjoint de l’état-major en 2003, puis ministre de l’intérieur et de la sécurité publique, il devient chef du cabinet militaire de Pierre Nkurunziza, jusqu’en 2014, puis chef du cabinet civil. Un très proche, donc, qui, en 2016, est élu secrétaire général du CNDD-FDD.

Le vrai faux départ de Pierre Nkurunziza

Il se lance dans la campagne présidentielle sans grande inquiétude. Les partis de l’opposition, le Congrès national pour la liberté (CNL) d’Agathon Rwasa, et le Frodebu de Leonce Ngendakumana, affaiblis par la politique d’étouffement du parti au pouvoir et par leurs propres divisions internes ont peu de chance de faire le poids face à la machine de guerre du CNDD-FDD.

Seule véritable inconnue dans les mois prochains : le véritable rôle du président sortant. En cédant sa place, Pierre Nkurunziza se retirera-t-il de la vie politique ? Ou restera-t-il le maître à bord ? Le jour de l’investiture de son nouveau candidat, le CNDD-FDD a réaffirmé la place centrale de son leader historique, le proclamant à jamais, seul « visionnaire permanent » du parti. Le 22 janvier 2020, le conseil des ministres l’élevait au rang de « Guide suprême du patriotisme » tandis qu’il obtenait un bonus de 500 000 €, la construction d’une villa de luxe, un service de sécurité, les mêmes traitements que le vice-président de la République, et l’immunité de chef d’État en exercice.

Enfin, et peut-être surtout, il restera le président du conseil des sages du CNDD-FDD, l’organe qui prend les décisions les plus importantes pour le pays.

Des journalistes encore en prison

La nomination d’un successeur n’a pas changé la nature du régime en place. Pour l’heure, tout continue comme avant : la commission électorale est entre les mains du régime, la mission d’observation internationale n’est pas autorisée pendant l’élection, les exactions et les intimidations contre les opposants se poursuivent.

Plus de 80 permanences du CNL ont été détruites ou dégradées, plus de 200 militants ont été arrêtés depuis son agrément en février 2018, affirme l’opposition. Et il est toujours aussi difficile pour les journalistes de travailler dans le pays : le 30 janvier 2020, quatre d’entre eux étaient condamnés à deux ans et demi de prison et une amende d’un million de francs burundais (environ 530 dollars US).

« Ces condamnations font partie d’un schéma de répression par le gouvernement des personnes qui tentent de faire lumière sur des abus ou d’informer sur des sujets sensibles », analyse Human Rigths Watch (HRW). « Elles s’inscrivent dans un contexte de répression accrue à l’encontre des personnes perçues comme étant des détracteurs du gouvernement, à l’approche des élections prévues à partir de mai. Poursuites judiciaires, menaces et actes d’intimidation ont contraint de nombreux activistes et journalistes à cesser de travailler sur les questions sensibles en matière politique ou des droits humains, ou à quitter le pays. »

Laurent Larcher