Plainte d’une ONG contre l’État burundais dans une affaire de torture
Droits de l'Homme

La Croix20/03/2020

Explication Cette plainte fait suite à la décision de l’État du Burundi de radier et de suspendre quatre avocats locaux accusés d’avoir documenté des faits de torture dans le pays.

Pourquoi cette plainte contre l’État burundais ?

L’ONG Service international pour les droits de l’Homme (ISHR) a annoncé, jeudi 19 mars 2020, avoir déposé une plainte contre le Burundi auprès du Comité de l’ONU contre la torture au nom de quatre avocats burundais, radiés et suspendus du barreau et menacés par les autorités après avoir communiqué en 2016 au Comité contre la torture des informations sur l’état des droits humains dans le pays.

Dans un communiqué, l’ISHR explique qu’elle réclame « justice et réparations » pour ces avocats. La plainte appelle le Burundi à, entre autres, lever les sanctions contre les quatre avocats, leur présenter des excuses publiques et leur apporter réparations, ainsi que de s’abstenir de toutes représailles ou intimidations contre les individus qui coopèrent avec des organes ou mécanismes internationaux des droits humains.

Pour Richard Sédillot, avocat et membre du Conseil national des barreaux, cette plainte de l’ONG mènera à « une interrogation de l’État du Burundi par le Comité contre la torture de l’ONU qui pourra par la suite émettre un avis sur la situation. Néanmoins, cet avis n’est pas contraignant. Ce n’est pas une décision de justice. »

Pourquoi ces avocats sont-ils menacés par le Burundi ?

Les avocats concernés - Dieudonné Bashirahishize, Armel Niyongere, Vital Nshimirimana et Lambert Nigarura - sont accusés d’avoir répertorié des cas de torture, de disparitions forcées et de détentions arbitraires au Burundi lorsque le pays était en proie à de violentes manifestations en 2015 contre le troisième mandat du président Pierre Nkurunziza.

À l’issue d’une décision de la cour d’appel de Bujumbura, au Burundi, énoncée en août 2016, les avocats Dieudonné Bashirahishize, Armel Niyongere et Vital Nshimirimana ont été radiés du barreau tandis que Lambert Nigarura a écopé d’une suspension d’un an assortie d’une interdiction de cinq ans de siéger au Comité exécutif du barreau du Burundi.

Selon un rapport des avocats du barreau de Paris, publié le 30 janvier 2017, le contenu des dossiers pénaux qui ont servi à la radiation des quatre avocats par le parquet général de Bujumbura demeure « inconnu et très imprécis ». Les avocats et leurs familles, ont également fait l’objet de menaces et se sont vus confisquer leurs biens, leurs propriétés et ont été forcés à l’exil, selon l’ONG ISHR.

Quelle est la situation au Burundi ?

Le Burundi est plongé dans une crise politique grave, née de la volonté du président Pierre Nkurunziza de se maintenir au pouvoir en 2015 pour un troisième mandat alors qu’il est à ce poste depuis 2005.

L’annonce en avril 2015 de sa candidature avait engendré des violences massives dans le pays et une brutale répression de la part du pouvoir qui a causé la mort de 1 200 personnes et déplacé 400 000 personnes, selon les estimations de la Cour pénale internationale.

Le président Pierre Nkurunziza avait surpris en annonçant en juin 2018 qu’il ne se présenterait pas à sa succession en 2020, alors que la nouvelle Constitution, modifiée par le référendum, le lui permettait. Des élections présidentielles sont prévues en mai 2020.

Wassila Belhacine