La longue errance entre Burundi et Congo des fidèles de Zebiya, la prophétesse
Sécurité

Franceinfo27/03/2020

Une nouvelle fois, un groupe de fidèles de Zebiya est chassé de la République démocratique du Congo. Les autorités refusent l'asile à ces chrétiens burundais en marge de l'Eglise, qui suivent les préceptes d'une jeune mystique.

Le 13 mars 2020, l'armée congolaise a expulsé de Goma, dans le Nord-Kivu (RDC), 1 500 Burundais adeptes d'une prophétesse nommée Zebiya. Un nouvel épisode d'une errance souvent sanglante d'hommes, de femmes et d'enfants entre le Burundi et le Congo en passant parfois par le Rwanda. Un étrange mélange de spiritualité et de politique, où la xénophobie donne le tempo.

Au centre de l'histoire, Zebiya

Zebiya Ngendakumana est née au Burundi en 1986. De confession catholique, elle dit avoir de très régulières visions de la Vierge Marie, précisément le 12 de chaque mois. Ses prophéties la rendent rapidement très populaire, les fidèles se pressent dans le sanctuaire qu'elle a établi à Businde, sa ville natale, dans la province du Kayanza, au nord du pays, limitrophe du Rwanda.

A partir de 2012, les choses s'enveniment avec l'église catholique, qui jusque là fermait les yeux sur les pratiques, parfois peu orthodoxes, de Zebiya et de ses ouailles. Comme celle de ne pas manger de conserves, de peur d'être trackés par des puces électroniques hypothétiquement placées dans les boîtes.

Bientôt, le pouvoir politique entre en scène et interdit les rassemblements des fidèles. Commence alors un bras de fer qui va finir dans le sang.

En 2013, c'est le premier drame. Pour mettre fin à un rassemblement, la police burundaise tire dans la foule. Bilan : 12 morts (30, selon d'autres sources) et 200 arrestations. Le sanctuaire de Businde est détruit. Les représentants de l'Etat voient dans cette secte un nouveau Boko Haram. Ils déplacent la question du religieux au sécuritaire.

L'errance

Zebiya entre alors dans la clandestinité, passe la frontière et s'installe avec ses fidèles en RDC, plus précisément au Sud-Kivu, dans la petite ville de Kamanyola, à deux pas des frontières du Burundi et du Rwanda. Alors que l'on perd la trace de la prophétesse, la communauté s'agrandit et travaille dur. Quand les troubles éclatent au Burundi en 2015, d'autres réfugiés la rejoignent.

Mais le 15 septembre 2017, la mort va de nouveau frapper. Depuis quelques temps, la rumeur enflait dans la communauté que la RDC renverrait chez eux, au Burundi, les fidèles réfugiés. Une simple opération de police leur fait croire que les expulsions ont commencé. La foule s'y oppose, l'intervention dégénère et la police tire. On dénombre 38 cadavres.

3 000 fidèles fuient la répression

Pour les fidèles – ils seraient autour de 3 000 –, c'est de nouveau la fuite. Ils partent vers le Rwanda, qui rapidement les refoule vers le Burundi. A nouveau la répression s'abat sur le mouvement et c'est l'exode, encore. Cette fois, retour en RDC du côté de Goma, dans le Nord-Kivu.

C'est là, début mars 2020, que les autorités retrouvent la trace d'un millier de ces fidèles, qui se présentent comme des pèlerins. "Campés dans une concession privée dans l'ouest de la ville de Goma, au bord du lac, ces réfugiés ont été dénichés par les habitants des quartiers environnants", explique le site internet Actu CD. L'ordre d'expulsion vers le Burundi est donné dans la foulée.

Que devient Zebiya ?

Le journaliste Gilbert Armel Bukeyeneza est un des rares a avoir rencontré Zebiya Ngendakumana, quelques temps après le carnage de Kamanyola en 2017. Elle lui disait être traquée par l'Etat, mais aussi par l'église catholique. "Nous ne sommes pas une religion. Il s’agit d’une mission divine. Et quand Dieu m’envoyait, c’était au sein de l’église catholique même. C’est-à-dire que je ne peux pas fonder une religion. Ce n’est pas ce que Dieu m’a demandé de faire", avait-elle expliqué alors. Depuis, nul ne connaît sa vie.

Quant aux fidèles renvoyés au Burundi par les autorités congolaises, ils ne demandent qu'à pouvoir prier à Busimbe qu'ils considèrent comme leur "lieu saint" et ce, en toute sécurité. Rien n'est moins sûr, et l'ONG Human Rights Watch s'en inquiète. "On considère que leur vie est en danger", a avancé Lewis Mudge, directeur de HRW pour l’Afrique centrale, sur RFI. Ils ont en effet un lourd passif dans leur pays.

Jacques Deveaux

Rédaction Afrique

France Télévisions