Des binationaux empêchés d’être rapatriés du Burundi vers la Belgique
Sécurité

RTBF05 avril 2020

Coronavirus : le Burundi empêche le rapatriement de certains Belges qui ont la double nationalité

Hier, un vol affrété par la Belgique arrive à l’aéroport de Bujumbura la capitale du Burundi pour rapatrier plus d’une centaine de personnes vers la Belgique. Teddy Mazina, photographe et activiste des droits humains, nous raconte :

"Hier un vol a atterri à Bujumbura. Il devait ramener des Belges et des binationaux sur la Belgique. On sait qu’il y a eu des difficultés au moment de l’atterrissage puisqu’il a d’abord été refusé mais ensuite au moment de l’embarquement, sur les 112 passagers qui devaient embarquer, 37 se sont vu refuser l’embarquement. Les raisons avancées par les autorités locales sont que ces personnes sont binationales, que ces personnes sont d’origine burundaises, donc nées au Burundi, ou alors qu’elles portent un nom à consonance burundaise. Donc 37 personnes se sont vues débarquées et le vol est parti sans elles."

Aucune explication

Martine (nom d’emprunt), dont un membre de la famille est concerné nous décrit ce qui s’est passé pour ces passagers au moment ou on leur annonce qu’ils ne pourront pas décoller. "A ce moment-là, ça a été un peu la panique entre tous les gens qu’on mettait de côté, qui ne pouvaient pas monter à bord. Ils ont essayé de poser des questions pour avoir une réponse claire et précise de ce qui se passait. L’avion est parti en laissant une soixantaine de personnes d’origine burundaise à Bujumbura. Sans explications à ce moment-là."

Un changement à la toute dernière minute

Des explications sur ce qui s’est passé, nous en avons demandé à Philippe Goffin, ministre des Affaires étrangères. "A la base il avait été prévu un vol vers Bujumbura qui passe également au Rwanda. La liste des passagers avait été communiquée et ne posait pas de problème manifestement. Au moment de l’embarquement, après l’enregistrement, les autorités burundaises ont interdit aux Belgo-burundais de pouvoir rejoindre l’avion. Ce qui évidemment posait d’énormes difficultés puisqu’à la base ces personnes pouvaient regagner la Belgique. Les autorités burundaises en ont décidé autrement. Dès aujourd’hui, nous prendrons les contacts utiles pour comprendre ce qui s’est passé."

Nous avons demandé à Martine ce que les gens qui n’avaient pas pu rejoindre la Belgique craignaient le plus. "Il n’y a que 3 cas au Burundi mais quand on regarde comment cela s’est passé dans les autres pays, ce n’est un mystère pour personne qu’au Burundi le système sanitaire n’est pas optimal, pas prêt en tout cas à gérer une crise comme celle-là. Les gens qui étaient là remplissaient des critères précis, soit ils étaient en séjour temporaire, soit ce sont des personnes à risque. C’est le cas de la personne de ma famille, elle a un certain âge et des problèmes cardiaques et elle n’a pas pu monter à bord parce qu’elle est belge mais d’origine burundaise."

Une certaine lecture du droit international

Philippe Goffin explique que les autorités burundaises ont eu leur propre lecture des conventions internationales. "Il y a évidemment l’application du droit international, qui, dans le cas des binationaux, permet à l’autorité du territoire sur lequel elles se trouvent de considérer qu’elles n’ont que la nationalité du pays. Manifestement c’est ce qui s’est passé ici. On aimerait comprendre puisqu’à la base la liste des passagers avait été validée. Il y a également la possibilité de considérer que c’est le lieu de résidence principal qui va primer lorsqu’une personne a deux nationalités. Manifestement ce n’est pas le choix qui a été effectué par les autorités burundaises, donc nous allons tâcher de comprendre pourquoi subitement, il y a eu un changement d’attitude en plus, en dernière minute puisqu’il faut savoir que le vol avait été annoncé et les préparatifs étaient allés jusqu’au bout puisque l’enregistrement avait été effectué".

Comment envisager la suite ?

"Organiser des vols n’est pas si simple, il faut avoir la certitude ou au moins la possibilité de remplir un avion puisque ce genre de déplacement coûte évidemment de l’argent. La logique et la cohérence du déplacement d’hier ont été lourdement modifiées, puisque des personnes n’ont pas pu monter à bord donc maintenant, avant de prendre attitude sur la suite, on doit évidemment analyser la situation", conclut le ministre.

Aucun confinement sur place

Pour ceux qui ont dû rester sur place, la situation est compliquée et remplie de facteurs inconnus. Martine en témoigne. "On ne peut pas nier qu’on est aussi dans une période électorale, que c’est un peu tendu sur l’ensemble du pays mais ce qu’on craint le plus à l’heure actuelle c’est la manière dont va être gérée la crise sanitaire qui s’annonce. D’autant plus qu’au Burundi, il n’y a pas de confinement, les gens continuent à aller à la messe, au marché, à faire une série de manifestations socioculturelles. Donc le questionnement c’est même de savoir comment éviter de tomber malade. C’est pour cela qu’on avait demandé le rapatriement."