[Chronique] Au Burundi, le football se fiche du coronavirus
Sports

Jeune Afrique08 avril 2020

La fédération burundaise de football a choisi de maintenir les championnats, malgré l’épidémie de coronavirus.

Au Burundi, le football est sacré. Au sens propre, puisque la plus haute – et pieuse – autorité du pays pratique ce sport dans le club de l’« Alléluia FC ». Passionné de « balle au pied », le président burundais joue plusieurs fois par semaine, et gare à celui qui le malmène ostensiblement sur le terrain.

En février 2018, des joueurs de l’équipe de Kiremba avaient attaqué de front Pierre Nkurunziza, alors qu’il avait la balle au pied. L’administrateur de la commune, Cyriaque Nkezabahizi, et son adjoint chargé du sport, Michel Mutama, avaient été écroués pour « complot contre le chef de l’État ».

Qui oserait donc priver le président des matchs nationaux, même en période de Covid-19, qui a provoqué la suspension de la juteuse Ligue des champions ? Comme en Biélorussie, au Tadjikistan ou au Nicaragua, les championnats de première et deuxième divisions du Burundi vont continuer, malgré les premiers cas de coronavirus recensés. C’est ce qu’a décidé la Fédération de football du Burundi (FFB), réunie en assemblée générale dimanche 5 avril, non sans avoir officiellement requis la « concertation » et les « éclaircissements sanitaires et techniques » du ministre de la Santé.

Les instances footballistiques ajoutent que seront observées « les mesures d’hygiène sur les stades et la distanciation ». Celles-ci nécessiteront des hectolitres de gel hydroalcoolique, et que dire de la distanciation sociale ? Pas simple dans des gradins, où le coronavirus se répand à la vitesse de la ola. Peut-être ne vendra-t-on que le quart des billets habituels, pour que chacun soit séparé d’un mètre du supporter suivant… Le ministre de la Santé publique, Thaddée Ndikumana, a recommandé la mise en place « des mesures de prévention comme le lavage des mains et la prise de température des spectateurs avant leur entrée dans les stades ».

Comment tacler à distance, et non à portée d’haleine ?

Et que dire de la gestion du terrain ? Si les panenkas, les retournés acrobatiques, les penalties et la plupart des passes ne sont guère contraires aux gestes-barrières, il faudra se pencher sur certaines actions. Comment marquer l’adversaire à la culotte sans se frotter à celle-ci ? Comment siffler un corner quand on sait qu’il conduira à l’agglutinement de nombreux joueurs sur une petite surface de pelouse ?

Dans un duel crucial, comment empêcher un adversaire de vous dribbler, si vous vous tenez à plus d’un mètre de lui ? Comment tacler à distance, et non à portée d’haleine ? Et que dire du mur sur coup franc ? Si les mains des joueurs permettent de protéger leurs parties génitales des « boulets de canon », qui protègera leur système respiratoire du postillon infecté ?

Quant aux mains, largement proscrites dans ce sport de pied mais vecteur idéal du Covid-19, elles devront être utilisées avec encore plus de parcimonie. Fini les serrages de main entre les équipes, en début de match, terminé les checks fraternels au moment des remplacements. Sans oublier la « main de Dieu », qu’on ne saurait bannir totalement d’un sport aux relents si religieux.

Méthode Coué ? Les autorités, qui doivent également organiser les élections générales au mois de mai, aiment répéter que l’état de santé des personnes infectées par le coronavirus est « stable ». Des matches de la 27e journée de Ligue A sont donc programmés. Et pas à huis-clos…

Par Damien Glez

Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè