À la Une : le changement dans la continuité au Burundi
Politique

RFI, 26-05-2020

Sans surprise, le général Évariste Ndayishimiye, le candidat du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, a donc été déclaré hier vainqueur de la présidentielle par la commission électorale burundaise. Il obtient un peu plus des deux tiers des voix. Pour sa part, Agathon Rwasa, le candidat du parti d'opposition, le CNL, le Conseil national pour la liberté, recueille un peu moins du quart des suffrages.

Dans un pays où la liberté de la presse est plus que relative, l'un des derniers médias indépendants du pays, Iwacu rapporte les faits bruts : « Le CNDD-FDD jubile, le CNL déçu », s'exclame le site d'information burundais. Pour Joseph Ntakarutimana, le secrétaire général adjoint du CNDD-FDD, rapporte-t-il, « c’est une victoire de tous les Burundais, ceux qui ont voté pour nous, ceux qui ont voté contre nous, ceux qui nous aiment, ceux qui ne nous aiment pas […]. »

Pour sa part, poursuit Iwacu, « Agathon Rwasa soutient que les résultats annoncés par la CENI sont aux antipodes du vote de la population. "Nous avons collecté, a-t-il dit, des preuves irréfutables transmises par nos mandataires présents aux différents bureaux de vote et attestant la victoire de notre parti lors des élections du 20 mai !" L'opposant a annoncé qu’il allait déposer un recours auprès de la Cour Constitutionnelle. »

Reformatage

En tout cas, « il était difficile de se convaincre de la possibilité d’un suspense », commente Le Monde Afrique : « Organisées le 20 mai dernier par temps de coronavirus, ces élections générales se sont tenues avec les frontières fermées, sans listes électorales publiées, ni mission d’observateurs internationaux   les seuls qui auraient pu se rendre au Burundi pour la circonstance avaient été avisés au dernier moment qu’ils seraient contraints de passer deux semaines en quarantaine et n’auraient retrouvé leur liberté de mouvement qu’après le scrutin. »

Pas de surprise donc, « dans un pays verrouillé par les forces de sécurité, il n’y avait aucune raison d’espérer une victoire (de l'opposition), poursuit Le Monde Afrique. Ces élections ne sont pas l’expression d’une compétition à la loyale. Elles ne sont pas davantage le syndrome d’une transition, mais, plus prosaïquement, celui d’un reformatage. […] Quant à Pierre Nkurunziza, après quinze ans au pouvoir, il va bénéficier d’une prime d’un demi-million d’euros, d’une grande maison de fonction et d’un salaire. Il compte aussi, et surtout, continuer d’exercer une influence et a été investi récemment du titre de "guide suprême du patriotisme". »

Un processus démocratique « en trompe-œil »

De son côté, la presse burkinabé ne mâche pas ses mots... « Le général Evariste Ndayshimye élu à plus de 68 % au Burundi "L’héritier" s’est emparé de son sceptre par la triche et la violence », fulmine le quotidien Aujourd'hui.

« C’est peu de dire que c’est un processus démocratique en trompe-œil que vient de connaître le Burundi, renchérit Le Pays. Mais avec le départ de Nkurunziza, qui avait érigé la terreur en mode de gouvernance en s’accommodant de l’existence de milices armées, c’est déjà ça de gagné pour le Burundi. Et dans l’intérêt de la démocratie, on espère que son successeur saura s’affranchir de la tutelle de son mentor pour écrire l’histoire du pays autrement qu’en lettres de larmes et de sang. »

Violences post-électorales ?

Enfin pour La Libre Afrique, émanation du quotidien belge La Libre Belgique, « la grande question est maintenant de savoir comment va réagir l’électorat CNL. […] La Cour constitutionnelle burundaise passe pour acquise au CNDD-FDD. En appeler à une cour de justice non burundaise – de l’East African Community ou de la Cour pénale internationale, par exemple – prendrait tant d’années qu’elle pourrait n’avoir aucun effet sur le mandat du général Ndayishimiye. »

Et La Libre Afrique de s'interroger : « Rwasa va-t-il dès lors "se coucher", comme il l’avait fait aux élections controversées de 2015, en échange de postes pour son parti ? Si oui, sa base, brutalisée par les forces pro-CNDD-FDD, le supportera-t-elle ? Le CNL va-t-il se lancer à nouveau dans la lutte armée ? »