Burundi/Elections : la Commission électorale a proclamé des résultats incongrus
Politique

La Libre Belgique, 28 mai 2020

Burundi : Les chiffres ébouriffants des élections burundaises

La Conférence des évêques du Burundi a dénoncé, dans un communiqué daté du 26 mai, “beaucoup d’irrégularités” lors des élections présidentielle, législatives et communales du 20 mai dernier

Les évêques rapportent les faits relevés par leurs 2716 observateurs, déployés dans toutes les communes du pays. Ils notent ainsi la “contrainte exercée sur certains mandataires” de partis pour qu’ils signent “d’avance les procès verbaux de dépouillement” des bulletins électoraux; le bourrage d’urnes; le vote à la place des défunts et des personnes réfugiées à l’extérieur du pays en raison des violence infligées par le parti au pouvoir et sa milice depuis 2015; des “procurations multiples, donc invalides”; des “électeurs qui votent plus d’une fois”; l’exclusion des mandataires et observateurs des lieux de dépouillement; l’intimidation d’électeurs par du personnel administratif qui les suit jusque dans l’isoloir; l’intrusion de personnes non autorisées dans les lieux de comptage des voix; le secret du vote pas garanti partout; la confiscation des accréditations et téléphones d’observateurs.

Tant et si bien que les évêques se demandent si ces irrégularités “ne portent pas préjudice au résultat à proclamer” définitivement le 4 juin. Ils recommandent, dès avant cette proclamation finale, de “sanctionner tous ceux qui, après le vote, persécutent leurs voisins” soupçonnés de n’avoir pas voté comme eux. On rapporte en effet des menaces de la milice du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, contre ceux soupçonnés d’avoir voté pour le CNL rival.

Le président de la Commission électorale nationale indépendante, réputée acquise au régime CNDD-FDD a réagi : “Les observateurs de l’église catholique n’avaient pas d’expérience dans l’observation des élections, ils n’étaient pas à la hauteur, peut-être qu’ils ont commis des erreurs”, a déclaré Pierre Claver Kazihise sur Twitter.

Arithmétique kazihisienne

On peut en tout cas s’interroger sur l’expérience de M. Kazihise en matière d’arithmétique au vu des incongruités dans les résultats officiels fournis par sa Commission électorale.

Ainsi, ces résultats donnent exactement – à l’unité près – le même nombre de suffrages obtenus par les trois principaux partis dans …trois provinces différentes, comptant un nombre d’électeurs différent. Dans la province de Karusi, comme dans celles de Ngozi et de Kayanza, le CNDD-FDD recueille ainsi officiellement 210 541 voix; le CNL 14 157 et l’Uprona 3557! Une unité de vote qui donne évidemment à penser.

Ces chiffres ébouriffants ne sont pas les seuls. Car à Karuzi et Kayanza, ils se traduisent par l’octroi des 6 sièges à pourvoir au CNDD-FDD; à Ngozi, en revanche, ils entraînent l’attribution de 5 sièges à ce parti et 2 au  CNL – et zéro à l’Uprona, mais le “total” des sièges attribués s’élève quand même à 8!

Plus extraordinaire encore, dans la province Mairie de Bujumbura – fief du CNL – où 71 603 suffrages ont été exprimés, le CNDD-FDD a réussi à en recueillir… 104 342, alors que le CNL aurait bénéficié de 144 519 votes et l’Uprona de 14 389 voix, soit un total de près de quatre fois les suffrages exprimés!

A la tête du client

L’AFP a relevé pour sa part le cas de la commune de Musigati, où le taux de participation a atteint… plus de 102%! Le candidat à la présidence du CNDD-FDD y aurait récolté  99,9% des votes.

Iwacu, dernier grand média indépendant au Burundi, souligne par ailleurs qu’alors que la loi prévoit que les listes de candidats sont bloquées, la Commission électorale a modifié unilatéralement les listes des élus CNL à Bujumbura et Kayanza. Dans l’ancienne capitale, le CNL se voit attribuer deux sièges et ce sont les n°1 et 4 de la liste qui sont décrétés élus – au lieu des n° 1 et 2, comme le prévoit la loi – tandis qu’à Kayanza, ce sont les n° 1 et 3 qui sont déclarés élus, le n°2 – la ministre des Sports Pelate Niyonkuru – étant évincée.

Par Marie-France Cros