Burundi : la Commission électorale retire ses résultats, trop peu crédibles
Politique

La Libre Belgique, 29 mai 2020

Après avoir provoqué l’indignation, le rire, le dégoût, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) du Burundi suscite aujourd’hui l’étonnement en retirant les résultats qu’elle avait annoncés lundi dernier. Ils seront remplacés…

Lundi dernier, son président Pierre Claver Kazihise avait proclamé solennellement les résultats provisoires officiellement recueillis par la Ceni, après une campagne électorale et des scrutins présidentiel, législatifs et communaux marqués par de multiples fraudes, dénis de droit et abus de pouvoir par le parti aux affaires depuis 2005, le CNDD-FDD, sa milice Imbonerakure et des autorités administratives locales liées à ce parti.

A l’examen, de nombreux chiffres s’étaient révélés si abracadabrants qu’ils nourrissaient avec éclat les accusations de fraudes électorales soutenues par le principal parti rival du CNDD-FDD, Le CNL d’Agathon Rwasa.

Un « brouillon »

Le président de la Ceni a donc décidé de… les retirer du site web de la Commission électorale, a-t-il expliqué publiquement. M. Kazihise, oubliant apparemment qu’il les avait lui-même proclamés publiquement lundi dernier, le 25 mai, a expliqué qu’ils “ne pouvaient être publiés parce qu’ils n’avaient pas été contrôlés, n’avaient pas été visés par les membres du bureau de la Ceni” qu’il préside.

Kazihise, à l’entendre, a donc proclamé et publié des chiffres sans les contrôler, des chiffres qui n’étaient en réalité qu’un “draft” (brouillon, en anglais). Et d’ajouter: “Prochainement, nous allons mettre les chiffres que le bureau a visés, contrôlés, et vous allez voir que ces chiffres seront probablement plus justes”. Pas de quoi rassurer ceux, nombreux, qui pensent que la première version était déjà fabriquée.

Prolonger les délais de dépôt de plaintes?

Mais ce rebondissement spectaculaire pose des questions de fond. Normalement, la Cour constitutionnelle devait proclamer le 4 juin les résultats définitifs. Retirer les chiffres qui lui ont été soumis et les remplacer par d’autres est-il autorisé par le code électoral, interroge ainsi Iwacu, le dernier grand média indépendant du pays – qui compte un journaliste disparu et quatre autres emprisonnés pour avoir voulu faire un reportage sur une incursion rebelle.

Et le délai accordé pour déposer des recours contre les résultats sera-t-il prolongé?

Par Marie-France Cros