La presse africaine s’interroge sur la légitimité de la présidentielle au Burundi
Analyses

L'Observateur Paalga, 9 juin 2010

Présidentielle au Burundi : Pourquoi alors un scrutin ?

Pierre Nkurunziza, le président burundais, a devant lui la victoire assurée à la présidentielle du 28 juin 2010 : il sera réélu inéluctablement, puisqu’il est seul en lice. Le 1er juin, cinq partis de l’opposition avaient déjà jeté l’éponge en refusant d’être, disent-ils, “des cautions démocratiques d’un processus électoral qui n’a plus de sens”. Parmi eux, le chef des ex-rebelles des FNL, Agathon Rwasa, qui faisait figure de principal adversaire.

L’une des pommes de discorde, ce sont les résultats des communales du 24 mai, caractérisées, selon l’opposition, par “des fraudes massives orchestrées par le parti au pouvoir”. Après ces retraits, le candidat des Forces pour la défense de la démocratie (FDD), au pouvoir, n’avait plus en face de lui que le candidat de l’UPRONA, Yves Sahinguvu. Alors qu’on ne se faisait pas d’illusions sur l’issue de ce duel, qui consacrera la victoire du président sortant, le porte-flambeau de l’UPRONA a rejoint, le 4 juin, les cinq candidats qui s’étaient retirés du scrutin 72 heures plus tôt.

Raison de ce renoncement : “la grave crise politique engendrée par les élections du 24 mai ainsi que l’absence de traitement des recours introduits auprès de la Commission électorale et de ses démembrements”. Ainsi, l’ex-maquisard Pierre NKurunziza sera seul, dans 19 jours, à jouer à son tambour et à danser devant un spectateur peu admiratif. Dans ce combat, sans adversaire, peut-on parler de victoire légitime et glorieuse ?

Loin s’en faut, le président sortant mène un combat contre la démocratie, donc contre la stabilité de son pays, contrairement à la dénomination de son parti et au rebours du bon sens ! On en vient alors à se demander si cette élection en vaut la peine, puisque “l’élu” est tout trouvé et que la comédie qui tient lieu d’élection va coûter les yeux de la tête au pays.

L’argent utilisé pour l’organisation de cette drôle d’élection aurait pu servir à la réalisation d’infrastructures sociales pour les Burundais. Qu’à cela ne tienne, l’ex-condamné à mort pour sa responsabilité dans la pose de mines antichar ayant fait une dizaine de morts dans la capitale, Bujumbura, en 1995, et amnistié en 2003 suite aux accords d’Arusha et à l’accord de cessez-le-feu de 2003, tient à sa chose, peu importent les moyens d’arriver à sa fin.

Quitte à plonger le pays dans un imbroglio institutionnalo-constitutionnel, lesdits accords, partie intégrante de la loi fondamentale, interdisant que le président et les deux vice-présidents de la république soient du même parti et/ou de la même ethnie ? Nous acheminerions-nous donc vers la mort de ces accords, comme le craignent déjà certains observateurs ?

Il risque de perdre son mérite d’avoir pacifié le Burundi pendant son mandat, surtout que l’armée connaît une grave crise qui pourrait précipiter le pays “dans le gouffre”, comme l’a du reste reconnu le ministre de la Défense, le général Germain NiyoyanKana. Pour autant, la politique de la chaise vide, menée par l’opposition, a-t-elle jamais été payante, surtout dans nos Etats, qui cherchent toujours leurs repères en matière de démocratie ?

Avec des présidents qui ont pour seul objectif de rester au pouvoir et qui n’ont que faire de la légitimité, leur laisser le champ libre n’est assurément pas une décision bien pensée, car cela ne mène nulle part. Malheureusement, ces blocages itératifs sur les scènes politiques africaines ne cesseront pas tant qu’il n’y aura pas de prise de conscience de nos peuples, lesquels méritent leurs dirigeants.

Abdou Karim Sawadogo