Burundi : Nkurunziza et Ndayishimiye, deux facettes d’une même pièce ?
Politique

Deutsche Welle, 05.06.2020

Burundi : le nouveau président de l'ancien régime

 La Cour constitutionnelle a confirmé la victoire d’Evariste Ndayishimiye, le candidat du parti au pouvoir. Va-t-il mener une politique différente de son prédécesseur ?

[Photo : Le président sortant burundais Pierre Nkurunziza (à droite) et son dauphin Evariste Ndayishimiye (à gauche) proclamé jeudi président élu.]

Le général Evariste Ndayishimiye, 52 ans, a face à lui une tâche importante au regard de l’urgence de reconstruire le Burundi. Un pays exsangue, isolé et secoué, depuis avril 2015, par une crise politique.

"Beaucoup de Burundais espèrent que le nouveau président, même s'il est du CNDD-FDD, va renouer avec les partenaires extérieurs et faire une ouverture diplomatique dans leur direction", explique Thierry Vircoulon, coordonnateur de l'Observatoire de l'Afrique australe et centrale à l'IFRI, l'Institut français des relations internationales.

Réalisme et pragmatisme

L’ancien président de l’Assemblée nationale burundaise, Sylvestre Ntibantunganya, prône pour sa part l’apaisement, avant tout par réalisme politique.

Selon lui, "le pays a besoin de paix, il a besoin d'avancer. Il faut être réaliste. Il faut être pragmatique, au-delà de ce patriotisme exigé. Moi, j'ai pris ma décision depuis longtemps. Quand vous êtes un leader, il faut savoir précéder le temps, orienter le temps, guider le temps. Nous devons faire tout ce qu'il faut, nous les leaders burundais, pour faire avancer notre pays et non pas rester dans les manichéismes, qui se sont d'ailleurs montrés sans perspectives."

Marges de manœuvres

Plusieurs sources indiquent qu’Evariste Ndayishimiye, quoique décrit comme discret, modéré et ouvert, n’est pas le choix du président sortant, Pierre Nkurunziza.

La question qui se pose désormais est donc celle de sa capacité à s’émanciper vis-à-vis de son mentor. Mais Thierry Vircoulon ne pense pas qu’il y aura de changement de politique au Burundi :

"Il a derrière lui une bonne partie du leadership du CNDD-FDD. C'est pour ça qu'il a été choisi pour être leur candidat. Ça peut en effet lui donner un levier. Mais après, il ne faut pas se tromper. Il y a un changement de président mais il n'y a pas de changement de régime. C’est-à-dire que c'est toujours le CNDD-FDD qui est au pouvoir et qu'il a toujours les mêmes intérêts. Donc si ouverture il y a, elle sera toujours limitée. Il n'y aura pas de changement de gouvernance réelle du Burundi tant que le CNDD-FDD sera au pouvoir", soutient le chercheur.

Pour l’opposant en exil Jérémie Minani, Pierre Nkurunziza et Evariste Ndayishimiye sont les deux facettes d’une même pièce. Celui-ci n’attend donc rien du nouveau président burundais.

Majorité à l’Assemblée nationale

Après la proclamation définitive des résultats des législatives, le CNDD-FDD obtient 86 sièges à l'Assemblée nationale, contre 32 pour le CNL d’Agathon Rwasa et 2 pour l'Uprona de l’actuel vice-président, Gaston Sidimwo. Quant à la communauté twa, (qui fait à peine 1% de la population), elle se contentera de trois représentants à la chambre basse du Parlement.