Qui pour succéder à Nkurunziza ?: On peut imaginer “deux scénarios”
Politique

La Libre Belgique, 11 juin 2020

Burundi : Qui succédera à Nkurunziza ? A la Cour constitutionnelle de le dire

Alors que le calme régnait à Bujumbura, l’ancienne capitale du pays, où un deuil de sept jours a été décrété, les ministres burundais se sont réunis en conseil extraordinaire, jeudi, au palais présidentiel Ntare Rushatsi, pour prendre des décisions au sujet de “la gestion de la situation consécutive au décès inopiné” du Président sortant, Pierre Nkurunziza, lundi dernier.

La réunion, présidée par le premier vice-Président, Gaston Sindimwo, a décidé la saisine de la Cour constitutionnelle “afin qu’elle constate la vacance du poste de Président de la République tout en indiquant les modalités de pourvoi à ce poste”.

On peut imaginer “deux scénarios”, explique à La Libre Belgique le professeur Stef Vandeginste, spécialiste du droit constitutionnel burundais à l’Université d’Anvers.

Soit le général major Evariste Ndayishimiye, déclaré élu Président par la Cour constitutionnelle après les élections du 20 mai dernier, “prête serment de manière anticipée; constitutionnellement, rien ne sy oppose.

“Soit la Cour constitutionnelle décide que, comme le prévoit l’article 121 de la Constitution, le président de l’Assemblée nationale, Pascal Nyabenda, devient Président ad interim”. Le pr. Vandeginste souligne cependant que cet interim est essentiellement prévu pour assurer la gestion des affaires courantes et l’organisation d’une présidentielle qui permette de désigner le successeur du défunt; “or cette présidentielle a déjà eu lieu”.

Imbroglio constitutionnel

Le constitutionnaliste note que le communiqué du gouvernement évite une difficulté: le Burundi est actuellement entre deux Constitutions. La nouvelle, entrée en vigueur en juin 2018, prévoit des institutions qui n’existent pas encore et seront mises sur pied sur base des élections du 20 mai. “Saisir la Cour constitutionnelle pour qu’elle constate la vacance du pouvoir est confié par la nouvelle Constitution au vice-Président unique de la République et au gouvernement. Mais ce vice-Président unique n’existe pas encore. On en est toujours aux deux vice-Présidents de l’ancienne Constitution. Le communiqué gouvernemental se sort de la difficulté en indiquant que l’organe compétent pour effectuer cette saisine est “pour le moment” composé de deux vice-Présidents et du gouvernement”.

Le communiqué gouvernemental annonce que la saisine de la Cour “a été faite” par “le gouvernement et les deux vice-Présidents”.

Stef Vandeginste, enfin, note que le texte renvoie à la Cour constitutionnelle le soin de décider lequel des deux scénarios possibles doit être adopté, en la chargeant d’indiquer “les modalités de pourvoi à ce poste”. Cela sous-entend que la Présidence ad interim de Pascal Nyabenda “ne va pas de soi”, juge le professeur.

Ce que veulent les généraux

Mais il y a aussi des problèmes politiques. Ainsi, on sait que ce n’est pas le gouvernement qui décide, mais le “groupe des généraux” du parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Ceux-ci avaient écarté Nyabenda de la présidentielle au profit du général major Ndayishimiye.

Cependant, les observateurs  ont noté que la télévision a bien montré Pascal Nyabenda signant le registre de condoléances pour le défunt chef de l’État, mais pas Evariste Ndayishimiye. Alors que le pays bruisse de rumeurs sur le nombre de proches de feu Nkurunziza qui seraient atteints par le Covid-19 – dont le vainqueur proclamé de la présidentielle ferait partie, assurent certains – d’autres affirment que ce dernier s’est retiré sur sa colline natale pour des raisons de sécurité.

De son côté, le CNL, qui estime qu’on a « volé » la victoire à la présidentielle de son président, Agathon Rwasa, exige de nouvelles élections, celles du 20 mai ayant été frappées de fraudes notoires.

Par Marie-France Cros