Burundi : la rhétorique anticolonialiste d’Évariste Ndayishimiye
Politique

Deutsche Welle, 19.06.2020

 Au Burundi, le nouveau président a demandé aux réfugiés qui ont fui les violences de 2015 de rentrer au pays. Evariste Ndayishimiye (Photo, à gauche) s’en est aussi pris aux Occidentaux.

Comme son prédécesseur, Pierre Nkurunziza (Photo, à droite) , décédé le 8 juin dernier, le président Evariste Ndayishimiye a usé de la rhétorique anticolonialiste, très à la mode au Burundi.

"Ceux qui ont fui le Burundi et sont allés se plaindre auprès des colonisateurs, qu'est-ce que vous avez obtenu ?", s’est-il interrogé devant une foule qui lui était acquise lors de son investiture ce jeudi 18 juin.

Carina Tertsakian, chercheuse à l’ONG l'Initiative pour les droits humains au Burundi estime que "ce genre de discours n'est pas très encourageant, surtout quand on voit la situation économique catastrophique du Burundi. C'est un pays qui a désespérément besoin d'un soutien international. Donc le nouveau président aurait plutôt intérêt à être plus conciliant, plus positif, plus ouvert envers les acteurs internationaux, s'il veut obtenir leur soutien pour remettre le pays sur une voix positive en termes d'économie et de développement."

Dialogue

Le président Évariste Ndayishimiye a ajouté que "le dialogue est ancré dans la culture burundaise. Personne n'a le droit de venir nous demander de dialoguer entre nous". Le Burundi n’a de leçons à recevoir de personne, poursuit Albert Shingiro, ambassadeur du Burundi auprès de l'Onu à New-York : 

"Nous les Burundais avons un attachement particulier à notre souveraineté, à notre liberté. C’est très important de le réitérer. Mais cela ne veut pas dire que le Burundi serait contre les anciens colons. Non. C’est une histoire douloureuse qu’il faut reconnaitre et puis avancer ensemble, dans le respect mutuel", affirme le diplomate.

"Il n’y a pas d’exilés heureux"

Fabien Cishahayo, d’origine burundaise et chargé de cours au département de communication de l'Université de Montréal au Canada appelle les protagonistes à se parler :

"Il y a un travail à faire du côté du pouvoir et un travail à faire du côté des gens qui sont à l’extérieur aussi. Il a tendu la main, il revient aux autres de la saisir. L’exil est toujours une tragédie. Il n’y a pas d’exilés heureux. Je pense qu’il faut un minimum de confiance, qu’ils entreprennent des démarches, qu’ils l’approchent et qu’ils voient dans quelle condition ce retour peut s’opérer", suggère l’enseignant-chercheur au micro de la DW.

Selon François Nyamoya, le secrétaire général du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD), un parti d'opposition, le nouveau pouvoir n’a pas encore donné les gages qui pourraient garantir le retour au pays des milliers de Burundais qui ont fui depuis 2015 la répression du régime de Pierre Nkurunziza.