Burundi/Covid-19 : Le president Ndayishimiye a fait le choix du réalisme
Politique

Le Pays, 1 juillet 2020

ANNONCE D’UN PLAN DE RIPOSTE CONTRE LE COVID AU BURUNDI

Le grand retard peut-il encore être rattrapé ?

Il ne croyait pas au Covid-19 et n’avait imposé aucune mesure pour y faire face. Peu avant sa mort, il était allé jusqu’à dire, sans sourciller, que « Dieu avait purifié l’air du Burundi ». Officiellement décédé de crise cardiaque, Pierre N’kurunziza pour ne pas le nommer, aurait plutôt succombé au virus à couronne à l’assaut duquel il sera monté avec les armes du… déni.

Evidemment, cette posture n’a pas été sans préjudices sanitaires non négligeables pour la Nation. A la date du 26 juin 2020, le Burundi enregistrait officiellement 144 cas de personnes atteintes du Covid-19. Et l’on ne saurait passer sous silence le cas de l’épouse N’kurunziza évacuée, on s’en souvient, au Kenya, pour des soins liés à la maladie.

Eh bien, en matière de gestion du coronavirus, on sait désormais que le nouvel homme fort du Burundi ne « poursuivra pas l’œuvre » de son prédécesseur qui, lui, aura fait l’autruche jusqu’à le payer, dit-on, de sa vie. Dorénavant donc, le Burundi change de stratégie en prenant de nouvelles mesures. C’est du moins l’annonce faite par le nouveau chef d’Etat qui s’adressait récemment au Parlement, après la prestation de serment des ministres.

Figurent parmi ces mesures, la subvention de moitié, du prix du savon, la réduction considérable du prix de l’eau jusqu’à l’éradication de la maladie, l’appel à toute personne présentant des symptômes du Covid-19, à se rendre à l’hôpital où elle sera testée et traitée gratuitement, etc. Bref, comme on le constate, le président burundais, Evariste Ndayichimiyé, a fait le choix de la vérité et du réalisme et non celui de la dénégation.

En se refusant à cacher le soleil avec son doigt, il fait non seulement preuve de responsabilité, mais, mieux d’humanité à l’égard du peuple. Reste à savoir si cette option ne s’est pas imposée à lui, après que son pays s’est vu rattrapé par la gestion chaotique de la crise sanitaire dont il est aussi comptable pour avoir longtemps été secrétaire général du parti au pouvoir, le CNDD-FDD.

Le changement des mentalités pourrait relever de la gageure

Avait-il vraiment le choix face à l’ampleur que prenait la maladie ? Mais là n’est plus l’essentiel. Le plus important, à présent, c’est que le plan de riposte organisé par la nouvelle équipe dirigeante en place, emporte l’adhésion franche et massive du peuple burundais ; ce qui n’est pas gagné d’avance. Il faut craindre, en effet, que les mauvaises habitudes ne soient déjà fortement ancrées, longtemps alimentées par le discours du déni de la maladie, qu’il faudra à présent déconstruire. C’est dire si le changement des mentalités pourrait relever de la gageure.

En tous les cas, c’est déjà une bonne chose qu’une prise de conscience s’opère au sommet de l’Etat quant à l’existence et à la gravité du fléau. Toute chose qui pourrait favoriser le rétablissement des relations entre Bujumbura et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dont le représentant au Burundi, ainsi que trois autres experts, avaient été expulsés pour avoir vertement critiqué la gestion du Covid-19 sous l’ère N’kurunziza.

Cela dit, certes, « mieux vaut tard que jamais » ! Mais l’on peut tout de même se demander si le grand retard accusé dans la gestion de la maladie, peut encore être rattrapé. Quelle est aujourd’hui, l’ampleur réelle des dégâts ? Dieu seul le sait. Une chose est sûre : Evariste Ndayichimiyé vient de frapper un grand coup en faisant de la lutte contre le Covid-19, une priorité. Il rend, pour ainsi dire, grandement service au peuple burundais qui pourra dorénavant mieux agir et mieux se comporter face au péril sanitaire.

Ce faisant, il donne de l’espoir aux Burundais qui, au-delà de la lutte contre le Covid-19, attendent davantage plus de leurs nouveaux dirigeants. En favorisant, par exemple, le retour au bercail des exilés et autres opposants politiques, tout en leur offrant toutes les garanties de sécurité, Ndayichimiyé donnera la preuve que la page des années sombres sous l’ère N’Kurunziza, peut bel et bien être tournée. C’est tout le mal qu’on puisse souhaiter à ce pays classé parmi les plus pauvres de la planète, et qui a plus que jamais besoin d’un second souffle.

« Le Pays »