Crimes durant la colonisation : des rares précédents de réparation
Afrique

Deutsche Welle, 17.08.2020

Preuve que le sujet est complexe, les crimes commis durant la colonisation en Afrique n'ont pas été réparés sauf quelques rares exceptions.

La demande de dédommagements que le Burundi s'apprête à adresser à l'Allemagne et la Belgique et les négociations entre l'Allemagne et la Namibie rappellent les précédents dédommagements en lien avec des crimes commis durant la période coloniale.

Ainsi, en 2013, le Royaume-Uni a versé des dizaines de millions de dollars aux Mau Mau du Kenya. L'Italie avait pour sa part signé un accord avec la Libye en 2008.

Un accord flou entre Rome et Tripoli

Au terme de plus de 30 ans de colonisation en Libye, l'Italie a présenté des excuses pour les crimes commis par ses forces.

Le Premier ministre italien Silvio Berlusconi et le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi ont signé un accord en 2008 dans la ville de Benghazi. Rome avait présenté des excuses, s'engageant à verser cinq milliards de dollars sur une période de 20 ans à la Libye, en dédommagement des crimes commis durant la période coloniale, entre 1911 et 1943.

D'après un article du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, publié le 17 mai 2010, cet accord prévoyait que cet argent soit investi dans la construction d'une autoroute et de 200 bâtiments, sans autres précisions. Aucun détail officiel n'est disponible sur le versement effectif de la somme annoncée.

La Libye devait en contrepartie freiner l'émigration clandestine depuis son territoire. L'accord délivrait aussi à l'Italie de larges licences d'exploitation du pétrole et du gaz libyens.

Les Mau Mau obtiennent gain de cause

En 2013, une démarche similaire a aussi existé entre le Royaume-Uni et le Kenya. En effet, à partir de 1952, la révolte des Mau Mau avait été violemment réprimée par les autorités coloniales. 90.000 Kényans auraient été exécutés, torturés ou mutilés, selon la Commission kényane des droits de l'homme.

Selon l'accord signé entre Londres et des avocats représentant le peuple Mau Mau, les victimes de ces actes de torture ont reçu des indemnités s'élevant à 23,5 millions d'euros.

Les exigences de la Namibie

Le président de la Namibie exige une réparation financière des crimes commis par les colons allemands.

La Namibie, autrefois appelée Sud-Ouest africain, ex-colonie allemande, espère aussi pouvoir être dédommagée par l'Allemagne. Entre 1904 et 1908, le soulèvement des Hereros et Namas a été aussi brutalement réprimé par les forces coloniales.

Mais l'Allemagne et la Namibie ne s'entendent pas sur le montant d'un éventuel dédommagement. Un négociateur de Berlin rappelle ainsi que Berlin tenait à la stabilité des relations entre les deux Etats, et que plus de 800 millions d'euros avaient été investis depuis 1990 dans l'aide au développement du pays d'Afrique australe.

Or ces indemnisations suscitent une polémique.

La boîte de pandore ?

En Grande Bretagne par exemple, certains commentaires mettaient en garde contre le risque que d’autres pays suivent l’exemple des Mau Mau du Kenya, ce qui a conduit le ministre britannique des Affaires étrangères d'alors, William Hague, à promettre que le gouvernement n'admettrait plus de demandes de réparation concernant les faits commis par l'administration coloniale, d'après un article du journal suisse germanophone Neue Zürcher Zeitung publié le 14 août 2013.

D’autres réactions pointent une tendance à la manipulation de la part d'Etats en difficulté de trésorerie ou de victimes présumées.

D’autres encore soulignent le caractère selon eux réducteur et humiliant de tels accords qui ont pour objectif de tourner la page de crimes graves avec de petites sommes d’argent.