Le Burundi accuse l’UE dans la tentative de coup d’État de 2015
Sécurité

RFI, 26/09/2020

Burundi : Ndayishimiye accuse l'UE d'être «complice» de la tentative de coup d'État de 2015

Lors de sa première conférence de presse publique depuis son investiture, le général Évariste Ndayshimiye s’en est pris violemment à l’Union européenne et l’a accusé d’avoir participé à la tentative de coup d’État de 2015, tout en indiquant vouloir renouer le dialogue.

Pendant trois heures, le chef de l’État du Burundi a répondu aux questions des journalistes sur tous les médias publics et privés du pays. C’était sa première conférence de presse publique depuis son investiture, il y a un peu plus de trois mois.

Durant ce rendez-vous médiatique, la prise de parole du général Évariste Ndayshimiye sur l’Union européenne a été l’un des moments forts. Le Burundi est prêt à renouer avec l’Union européenne, mais pas à n’importe quelles conditions, a expliqué Ndayishimiye, en accusant directement l’UE d’avoir participé à la tentative de coup d’État de 2015 contre son prédécesseur.

« Toute chose à une fin »

« Nos relations avec l’Union européenne se sont dégradées parce que nous avons constaté que cette organisation était complice dans la tentative de coup d’État de 2015. Comme ils n’ont pas pu nous abattre par la force, ils se sont dit : "Prenons des sanctions contre ce gouvernement pour que la pauvreté le fasse tomber", heureusement Dieu a veillé sur nous », a-t-il déclaré.

L’Union européenne est le premier bailleur de fonds du Burundi qui a pris des sanctions budgétaires contre Gitega depuis 2016, au plus fort de la crise en raison de graves violations des droits de l‘homme à l’actif du pouvoir.

Après cela, le président burundais s’est dit ouvert à une réouverture du dialogue. « Toute chose à une fin. C’est pourquoi aujourd’hui, nous leur avons déjà annoncé "On ne vous a pas chassé, vous êtes partis de vous-mêmes. Si vous voulez renouer (avec nous), la porte est ouverte" », a-t-il expliqué devant les journalistes avant d’ajouter que « le plus important pour nous, c’est que le Burundi reste ouvert à la coopération ».

« S’ils veulent qu’on coopère réellement, il n’y a aucun problème parce qu’on n’a jamais dit avoir pris de sanctions contre l’Union européenne. Mais brandir telle ou telle résolution, ça ne marche pas, il faut plutôt dialoguer. Nous savons que l’Accord de Cotonou a fait son temps, et qu’on est en train de négocier la suite, nous, nous poursuivons notre marche en avant », a-t-il conclu.

Une « posture » ?

Selon des sources diplomatiques, Gitega et Bruxelles sont en passe de reprendre un dialogue politique interrompu depuis cinq ans. L’Union européenne s’est dite prête à accompagner le nouveau pouvoir burundais mais il demanderait des « gestes », notamment la libération de journalistes et d’un activiste qui croupissent en prison.

Droits de l’homme, lutte contre la corruption… Tout le monde attendait donc un signe d’ouverture de la part du président Evariste Ndayishimiye avant ce rendez-vous prévu normalement vers la mi-octobre. Celui-ci n’est jamais venu, au contraire. Le général Ndayishimiye est resté droit dans ses bottes, dans la ligne des messages durs lancés depuis 5 ans.

Un diplomate africain parle d’une « posture » en rappelant que l’économie du pays est à genoux et que le gouvernement burundais a désespérément besoin de devises aujourd’hui. En attendant, le général président qui a fait de la lutte contre la pauvreté son cheval de bataille a appelé les Burundais à adhérer dans des coopératives financées par le gouvernement. Elles ne seraient réservées qu’aux seuls membres du parti au pouvoir accuse l’opposition, mais le pouvoir dément.

Pas de rébellion au Burundi, mais de « simples criminels », selon Evariste Ndayishimiye

Depuis un mois, un groupe rebelle burundais, le RED Tabara basé jusqu’ici dans l’est de la RDC, a revendiqué des attaques visant les forces de l’ordre et les Imbonerakure, membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir que l’ONU qualifie de milices, et qui ont déjà fait une trentaine de morts dans les deux camps dans plusieurs provinces du pays. Depuis, des dizaines d’arrestations de militants d’opposition ont été signalés à travers tout le pays, mais le pouvoir burundais s’était refusé jusqu’ici toute déclaration sur toute cette affaire, laissant libre cours aux rumeurs. Le chef de l'Etat était très attendu sur cette question, l’une des premières qui lui a été posée.

Le général Evariste Ndayishimiye a balayé la question du revers de la main. Il s’agit pour lui de groupes de « simples criminels ». Et d’expliquer qu’on ne peut pas prétendre au titre de rébellion tant qu’on n’a pas conquis au moins une commune dans le pays ou qu’on ne s’attaque à la personne du chef de l’Etat.

 « Il ne faut pas confondre un criminel, un voleur et un rebelle. Je vous donne un exemple : ça fait des jours que je me déplace de nuit. Demandez à quelle heure je suis arrivé à Bujumbura, quand j'ai quitté Kigoma en Tanzanie. J’ai traversé la forêt de la Kibira et je n’ai jamais été inquiété, alors, qui sont-ils ? », a déclaré le président.

Des dizaines de personnes, dont une trentaine de responsables locaux du principal parti d’opposition, le CNL d’Agathon Rwasa, ont été arrêtées à travers le pays depuis le début de ces attaques.  C’est pour des raisons d’enquête, a justifié le président burundais : « Si au cours de l’enquête, on apprend que ces criminels sont passés à tel ou tel endroit, le gouvernement a le droit de vous interroger pour savoir si vous êtes au courant, si vous connaissez ces gens, si vous êtes complice, afin de les retrouver ».

Réaction toute ironique d’une des principales figures de la société civile en exil :  Pacifique Nininahazwe a rappelé dans un tweet que l’ancienne rébellion du Cndd-FDD, au pouvoir aujourd’hui, n’avait jamais réussi à contrôler ne fut-ce qu’une colline pendant la guerre civile de 1993 à 2006.