Des journalistes burundais encore refugiés au Rwanda
Sécurité

Deutsche Welle, 14.10.2020

Certains réfugiés burundais ne veulent pas rentrer car, selon eux, la situation politique n'a pas changé. C'est le cas des journalistes burundais de la radio internet Radio Inzamba.

Fin août dernier, un premier groupe de 2.600 Burundais réfugiés au Rwanda depuis avril 2015 est rentré dans son pays, grâce à la coopération de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés.

Selon le ministère rwandais chargé des réfugiés, plus de 11.000 autres se sont fait inscrire pour retourner au Burundi. Mais d'autres ne veulent pas rentrer car, selon eux,la situation politique n'a pas changé. C'est par exemple le cas des journalistes burundais de la Radio Inzamba, créée en Juillet 2015, qui diffuse des programmes critiques vis-à-vis du pouvoir burundais. 

Chaque jour, du lundi au samedi, entre 17h et 18h, Frank Kaze et ses autres collègues journalistes se succèdent aux micros de la Radio Inzamba Agateka Kawe, une radio en exil qui informe principalement sur l'actualité burundaise.

A l'aide de l'application Facebook live, le journal peut être suivi en direct sur le réseau social.

"Rentrer, c'est se suicider"

Différents aspects de la vie politique du pays sont abordés chaque jour et Désiré Hatungimana, le rédacteur en chef de la radio Inzamba, est très clair sur ce point : pour lui ce serait trop dangereux de retourner au Burundi.

''On continue d'emprisonner les journalistes, de fermer les radios étrangères. Et si on se réfère à ce qu'il s'est passé quand on était au pays, quand nos médias ont été brulés, eh bien rien n'a changé. Alors oser rentrer, c'est se suicider. ''

Bella Gloria Akintore est une autre journaliste, présentatrice du journal en Kirundi. En 2015, elle travaillait pour la radio Isanganiro, accusée par le pouvoir burundais d'avoir diffusé un message sur le coup d'Etat manqué.

''Tu t'es mise dans l'opposition''

Parmi les raisons qui la poussent à ne pas rentrer chez elle, il y a les commentaires des auditeurs qui l'accusent de vouloir nuire au Burundi.

''Tu vois, quand je présente le journal, il y a des commentaires qui disent : toi tu es toujours jeune, pourquoi t'es-tu rangée avec les putschistes, avec des gens qui sont contre le pouvoir ? Tu t'es mise dans l'opposition.''

Selon Désiré Hatungimana, le rédacteur en chef, ses collègues seraient arrêtés s'ils rentraient au Burundi

''Nous avons l'information selon laquelle les noms des journalistes burundais qui sont à l'étranger sont affichés presque partout dans les bureaux des hauts gradés, à la police de l'air et des frontières. A la frontière, il y a des listes.''

Toujours la peur au ventre

Les familles de ces journalistes, en l'occurrence celle de Bella Gloria, sont également conscientes du sort que leur réserverait le pouvoir burundais, une fois rentrés.

''Le feedback de ma famille c'est qu'ils me disent non, reste là, je ne veux pas que tu rentres parce que je n'aimerais pas te voir violée, je ne veux pas te voir torturée, je ne veux pas te voir comme un cadavre qui se balade dans la rue.''

Entre temps, le camp de Mahama dans l'est du Rwanda se vide doucement et à ce jour, seuls 2.600 réfugiés sont rentrés, parmi les plus de 70.000 qu'héberge le Rwanda.